Mélanésia 2000

Dans sa déclaration de politique générale du 17ème gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Louis Mapou a annoncé la volonté de créer un premier grand rendez-vous des Calédoniens dans l’esprit du festival Mélanésia 2000, organisé par Jean-Marie Tjibaou en 1975 pour affirmer l’existence de la culture kanak. Cet événement, qui pourrait s’appeler « Calédonia Festival », serait créé dès 2022 pour devenir le rendez-vous annuel de toutes les cultures du pays, mais aussi une caisse de résonance de notre identité dans le Pacifique.

Nous vous invitons à découvrir dans cet extrait de La Présence Kanak, le sens et la finalité qu’avait le projet Mélanésia 2000 pour le leader indépendantiste.

La motivation profonde de ce festival est la foi en la possibilité d’instaurer un dialogue plus profond et plus suivi entre la culture européenne et la culture autochtone.

En effet, la coloration et la saveur du « Caillou » ne peuvent être données que par l’acceptation et une certaine assimilation de la culture originelle du pays. Et je me permets de faire le rêve qu’en l’an 2000, le profil culturel du Calédonien comportera aussi bien des éléments de la culture européenne que de la culture mélanésienne. Mais pour que cette symbiose se réalise, un préalable est nécessaire, c’est la reconnaissance (re-naître avec) réciproque des deux cultures dans ce qu’elles ont de spécifique. Sans cette base, nous continuerons dos à dos notre dialogue de sourds.

Objectifs du festival d’expression mélanésienne

Pour un dialogue nouveau

Au-delà du festival mélanésien, la perspective qui se profile de l’horizon est celle d’une grande manifestation d’expression culturelle calédonienne pour 1980. Je la vois comme une immense fête de la culture, un festival où toutes les communautés de ce territoire viendraient offrir au public calédonien ces patrimoines divers qu’il doit reconnaître comme une richesse unique qu’il doit assumer avec fierté. C’est en effet de cette rencontre que pourra naître une culture nouvelle calédonienne.

Mais la réalisation de ce projet exige une préparation. Le groupe mélanésien, surtout, doit retrouver sa fierté dans une personnalité culturelle que les circonstances historiques du peuplement l’ont amené à renier par fidélité à une échelle de valeurs nouvelles, qui aujourd’hui le laisse sur sa faim…

La culture kanak aujourd’hui

Le deuxième objectif du festival est, d’une part, de faire l’inventaire du « matériel culturel » dont dispose actuellement le groupe mélanésien de Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, de définir la philosophie de l’art de vivre autochtone. En d’autres termes, cet inventaire doit répondre aux soucis suivants :

  • quelle est aujourd’hui la situation de la culture kanak ?
  • quel est le contenu de ce message ?

Redécouvrir son identité : la condition de l’avenir

Par son troisième objectif, le festival doit permettre au Kanak de se projeter face à lui-même pour qu’il redécouvre l’identité qui est la sienne en 1975. D’autre part, le festival peut aider le Kanak à reprendre confiance en lui-même et retrouver plus de dignité et de fierté par rapport au patrimoine culturel qui fait partie de l’expérience et de la richesse de l’humanité.

Cette prise de conscience est importante pour « débloquer » psychologiquement le Mélanésien de son complexe d’infériorité lié en grande partie à l’insignifiance culturelle à laquelle il s’est trouvé réduit (les slogans traditionnels étaient « Kanaks, convertissez-vous ! Civilisez-vous !).

Une des conséquences a été la honte de sa personnalité propre et le mépris de lui-même qu’il noie dans l’alcool.

Au nom de la Foi et de la « Civilisation », le Kanak a dû se renier. Il faut aujourd’hui, parce que les circonstances sont autres, qu’il affirme son droit d’être et d’exister culturellement en Nouvelle-Calédonie.

Si je puis me permettre d’écrire cela, c’est parce que je suis convaincu que l’on a fait fausse route, et qu’aujourd’hui, la gloire de la Foi et l’honneur de la « Civilisation » seraient d’inviter le Kanak à venir au banquet des civilisations, non en mendiant déculturé mais en homme libre. Et la participation kanak ne peut être que l’affirmation de sa personnalité à travers la possibilité retrouvée de s’exprimer dans sa propre culture.

Pour un dialogue culturel

Le festival doit enfin permettre au groupe européen ainsi qu’aux minorités ethniques du Territoire de voir, de connaître et peut-être reconnaître la culture autochtone. C’est elle en effet, parce que autochtone, qui peut donner à la culture du pays la « coloration » et la senteur du terroir calédonien. Mais pour exister pleinement, la culture, comme le monde kanak tout court, a fondamentalement besoin (c’est vital) de cette reconnaissance du monde ambiant. La non-reconnaissance qui crée l’insignifiance et l’absence de dialogue culturel ne peut amener qu’au suicide ou à la révolte.

J’ai foi en la réalisation de ce festival. Je constate, en effet, que parmi les Français calédoniens et métropolitains il existe un courant de pensée qui reconnaît sincèrement que la promotion culturelle autochtone est une donnée essentielle d’un développement harmonieux du Territoire.

Ce projet, qui se veut porteur de l’espoir kanak, s’inscrit dans une recherche réelle de dialogue. Je suis d’autant plus à l’aise pour l’écrire que je me trouve déjà engagé sur le chantier de la concertation culturelle.

L’espoir qui sous-tend ce projet est grand… Nous devons, ensemble, le réaliser pour l’avenir culturel de notre jeunesse et la santé de notre pays.

Financé par l’Etat français et organisé par Jean-Marie Tjibaou – qui devait, peu de temps après, faire son entrée en politique – le festival Mélanésia 2000 s’est déroulé à Nouméa en septembre 1975. Sur une vaste esplanade surplombant « Nouméa la blanche », quelque deux mille Kanaks de toutes les régions de l’archipel présentèrent avec un grand souci esthétique des exemplaires d’architecture mélanésienne, des objets artisanaux, des danses, etc… et des temps forts de la vie kanak : échanges cérémoniels entre clans, discours clamés par des spécialistes de l’art oratoire, chants de bienvenue…, autant d’expressions d’un art subtil de la sociabilité. En contrepoint, une évocation théâtrale de l’histoire du peuple kanak, incarnée par le personnage de « Kanaké« , soulevait avec pudeur mais fermeté les problèmes sociaux et politiques posés par la colonisation : inégalités criantes, exclusion des autochtones de la société dominante.

Sources : La présence Kanak de Jean-Marie TjibaouCalédonia la télé qui nous regarde

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