Tea Kanaké, mythe de la création

Mythe fondateur de la spiritualité kanak, la légende de Tea Kanaké se rapproche des fondements de la doctrine spirite.

Dans un temps très très ancien, Madame la Lune était haut perchée dans le ciel parmi ses amis les étoiles. Sur terre, il y avait des Esprits appelés lutins. Certains vivaient dans la mer, et d’autres sur la terre. Tout ce petit monde vivait en parfaite harmonie. Ils prenaient soin les uns et des autres.

Chaque soir, Madame la lune les contemplait. Elle aidait les étoiles à briller de mille feux.

Grâce à ses rayons lumineux, les lutins regagnaient leurs petites maisons cachées sous terre, dans les arbres ou encore dans les trous des récifs. Ces petits êtres malicieux prenaient soin des arbres, des plantes, des fleurs. Ils portaient aussi une attention délicate aux algues, coraux et récifs.

Un soir, Kanaké, le chef des lutins, perché sur son rocher remarqua une chose étrange. Il s’adressa alors à Madame la Lune sur un ton inquiet : “Que se passe-t-il ce soir ma sœur ? Tu n’étincelles pas de tout ton éclat ce soir. Aurions-nous fait quelque chose qui t’aurait déplut ?”

“Non mon frère !”, lui répondit-elle difficilement. “J’ai seulement très mal à une dent”.

Au même moment, la dent tomba et se fracassa sur le rocher de Kanaké. Les morceaux de la dent s’éparpillèrent entre Terre et Mer.

Deux jours passèrent. Au troisième soir, Kanaké s’adressa à Dame Lune : “Ma sœur, les morceaux de ta dent ont pourri, il y a des vers qui en sortent !”

« Oui je sais. Demain matin au lever du soleil, reviens à l’endroit même où la dent s’est cassée et tu verras”, lui répondit-elle.

Le lendemain comme convenu, Kanaké revint. Stupéfait, il s’assit près de son rocher et s’émerveilla de ce qui se passait sous ses yeux. Il s’empressa alors d’avertir ses frères et sœurs lutins.

Côté Mer, les vers étaient devenus des poissons, des requins, des serpents, des coquillages. Les algues et les coraux se réjouissaient : ils avaient de nouveaux compagnons. Coté Terre, près du rocher, de la pourriture naquirent des vers qui se transformaient en lézards, serpents et anguilles.

Un des lézards attira particulièrement l’attention de Kanaké qui s’assit au pied d’un gaïac afin de l’observer longuement. Ce lézard était en train de se métamorphoser en homme.

Quand il eut fini sa transformation, Kanaké s’approcha et proclama : “ Te voilà le fils que nous attendions tous !”

Stupéfait, le lézard devenu homme le dévisagea et lui rétorqua : “Me voilà ? Je ne comprends pas, qui suis-je ? Que suis-je venu faire ici dans ce monde ?”

“Il y a longtemps de cela, une prophétie m’a été révélée”, lui répondit Kanaké.

“Une prophétie ! Et que disait -elle ?”, s’étonna l’homme.

“Un jour viendra où un homme et des animaux de toutes sortes arriveront. Ils seront engendrés par la Lune. Ils viendront sur cette planète Terre pour apprendre à vivre en harmonie avec les Esprits Lutins, la Mer et la Terre”.

Alors l’homme s’assit et questionna l’ancien : “Mais qui suis-je ?”

“Dans cette vie, tu seras mon fils”, déclara l’ancien. ”Tu porteras désormais le nom de TEA- KANAKE qui signifie « homme vivant, homme libre ». Mon rôle en tant que père sera de t’apprendre à vivre dans ce monde nouveau”.

Dès lors, Téâ-Kanaké n’eut pas d’autre choix que de suivre les enseignements de Kanaké.

Son premier enseignement fut d’apprendre à travailler avec la Terre, celle qui allait le nourrir.

“Pour vivre en « Homme libre et vivant », ton corps a besoin d’être nourri”, lui annonça Kanaké. “Tu appendras à être brave et intelligent mon fils. Tu vois cet arbre, son nom est gaïac. Casses-en une branche pour en faire un pique et rejoins- moi ».

“Mais qu’allons-nous faire Père ?”

“Je t’ai apporté des tubercules précieux appelés ignames. Prends ton pique, observe comment je les plante avec beaucoup de soin et fais comme moi”.

Téâ-Kanaké l’observa et fit de même.

Kanaké, l’Esprit lutin, lui enseigna aussi les plantes magiques qui devaient être mises en terre autour du champ d’igname : le coléus rouge et la cordyline. Elles protégeraient les ignames des esprits maléfiques.

“Père, dis-moi, pourquoi l’igname est-elle si précieuse ?”, questionna Téâ-Kanaké.

“Elle sera la base de ton alimentation pendant des mois entiers. Tu verras plus tard qu’elle te servira de monnaie d’échange. Elle est aussi là pour te représenter, toi, l’Homme vivant et libre ».

Après le champ d’igname, ce fut les champs de taro.

“Voilà un autre tubercule tout aussi précieux que le premier : le taro”, continua le père. “Prends ton pique, observe comment je les plante avec beaucoup de soin et fais comme moi”.

Téâ-Kanaké l’observa et fit de même. Père et fils creusèrent encore et encore et mirent en terre les taros. Au dernier trou, Téâ-Kanaké se retourna : “Père, quelque chose bouge dans ce trou !”

L’Esprit y entra sa main, en retira une femme et la présenta à son fils : “Voilà ANDY, elle sera ton épouse”.

Arriva le jour du deuxième enseignement. Le père déclara : “Maintenant que tu as appris à travailler avec la terre et qu’elle t’a donnée une femme, nous allons vous construire une maison. Prends cette pierre taillée, observe comment je travaille avec beaucoup de soin et fais comme moi”.

Téâ-Kanaké appris à construire sa maison, une case. Son père lui recommanda d’y planter autour des plantes magiques pour les protéger des mauvais esprits. Il lui recommanda aussi de planter devant sa case un pin colonnaire et un cocotier : “Le pin colonnaire  marquera la présence de toi, l’Homme, et le cocotier, arbre aux fruits nombreux, te représentera toi, Andy, la femme de la maison. Dès à présent, je dois me retirer. Ta femme et toi devez apprendre à vivre ensemble. Quand l’heure sera venue, je reviendrais pour un dernier enseignement”.

Andy et Téâ-Kanaké apprirent à vivre ensemble dans ce monde nouveau. Ils eurent des enfants et leur enseignèrent ce que l’Esprit Lutin leur avait appris.

L’heure du dernier enseignement sonna. Téâ-Kanaké s’éloigna dans la forêt et pria son père de venir : “Ô Père, tu m’as toujours parlé du monde visible et invisible. Aujourd’hui, je pense que j’en sais assez sur le monde visible. Quel est donc ce monde invisible ? Je voudrais le connaître et y apprendre à vivre”.

Alors Kanaké, Esprit Lutin, apporta des plantes magiques et prépara son fils au monde invisible.

“Fils ! Entrer dans le monde invisible c’est aller vers une nouvelle vie. Tu en est conscient ?”

“Oui Père, je connais les conséquences de ce choix”.

“Alors prends ces plantes magiques, observe comment je les prépare avec beaucoup de soin et fais comme moi”, dit le père.

Téâ-Kanaké quitta son enveloppe charnelle et devint esprit. Il put voir au loin, le long de son nouveau chemin de vie, un trou taillé dans la pierre et y sauta. Téâ-Kanaké avait rejoint le monde invisible, celui des Esprits. Il partit en Esprit libre et vivant.

                                                                                                          Pôônwé

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