Nuelasin n°223 – 14 novembre 2025

Trois mariages, trois chemins de présence

Il y eut trois mariages auxquels je souhaitais prendre part. Trois moments d’union, mais aussi trois appels à la mémoire, à la coutume, à la fraternité.

Le premier se tint à Dumbéa, sur le site du vieux Sako, et rassembla les membres du clan Apikai. Le samedi précédent, je passais la journée à Karuia bus pour le waan lapiny, ce moment de mise en commun des biens, où les familles et les clans tissaient la logistique de l’événement. Jelen, mon neveu, m’appela le vendredi : il se trouvait déjà à Bourail. Je fus surpris, car je souhaitais lui remettre ma coutume. Je pensais alors qu’il n’était peut-être pas nécessaire de me rendre jusqu’à la capitale. Mais le soir, après mes cours, je partis. Le lendemain matin, nous nous retrouvâmes à Karuia. Il y avait déjà foule. Je restais jusqu’à une heure avancée de la nuit. C’était là le prix de la présence.

Le deuxième mariage, à Gatope, m’appela pour remettre ma coutume au père du marié. Le lien qui nous unissait ne souffrait pas l’absence. Le jeudi, je me rendis dans ce bout de pays, pour la rentrée des oncles maternels — les Luecila. Avec les mamans, nous chantâmes des taperas. Nos voix s’unirent dans une communion profonde. Le mariage était prévu pour le samedi, mais déjà, dans les chants, il se célébrait. Le sacré commençait bien avant l’échange des anneaux.

Le troisième mariage fut celui de Louise — Wagejen pour les proches. Elle et son mari avaient mon âge. Ce n’était plus l’heure des encouragements, mais celle de la sagesse. Leur union se révéla plus sobre, plus ancrée. La foule était présente, mais je reconnus surtout des visages de famille et de collègues de travail. À Gatope et Nouméa, les mariages des jeunes réunissaient les clans du pays, chacun arrivant par son propre chemin.

Lorsque j’arrivais de Baco à Gatope, la fête du soir s’annonçait. Le podium était déjà installé, les gens déambulaient autour, certains déjà avinés malgré l’interdiction de la vente d’alcool. Je restais dans la voiture, attendant les passagères pour repartir. À quelques mètres, des collégiennes de Tiéta, bien sapées, parfumées. Je pensais qu’elles ne seraient pas en classe lundi matin. Et en effet, cela ne manqua pas. Pff !

Pour accompagner le vieux Maselo, je vous livre le résultat de mon entretien avec le vieux Pekan-qatr, de Xodre. Un livre ouvert. Le dimanche 9 novembre, je suis allé discuter avec le vieux chez lui. J’y suis arrivé au moment où un jeune de la tribu de Kejëny était passé — une semaine avant moi — pour l’interroger. Je précise ce détail parce que beaucoup de personnes viennent aujourd’hui questionner le vieux Pekan. Il est devenu une véritable référence dans la culture kanak, pour les gens de Drehu mais aussi pour tout le monde en quête de savoir sur la vie tout simplement. 

Bonne lecture. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

Paulette : Samë, tu es fatigué, mon garçon ? Je vois la lassitude dans tes yeux. 

Samë : Oui, Mémé. Chaque matin, c’est si loin… et parfois, je me demande à quoi ça sert tout ça. 

Paulette : Mon cher enfant, tu fais un effort qui te rend déjà plus fort que tu ne le crois. L’école n’est pas juste un lieu, c’est la clé pour ouvrir des portes dans ta vie. 

Samë : Mais, c’est tellement difficile. Je marche des kilomètres, et parfois, je n’ai même pas la force d’étudier. 

Paulette : Cela me rappelle ton oncle Ziluthie. Tu sais, avant de devenir ingénieur, il faisait exactement comme toi.

Samë : Tonton Ziluthie ? Je savais qu’il avait réussi, mais je ne savais pas qu’il avait eu autant de difficultés. 

Paulette : Oh, il en a eu, crois-moi. Il marchait des kilomètres chaque jour comme toi. Il étudiait dans des carcasses de voitures abandonnées et dans une vieille cabane près du champ de légumes de grand-mère Wahudra. 

Samë : Il a vraiment fait ça ? 

Paulette : Oui. Il croyait fermement que, peu importent les défis, l’essentiel était de ne jamais abandonner. Et regarde ce qu’il est devenu aujourd’hui ! 

Samë : Ingénieur… Il a dû être très courageux. 

Paulette : Et toi aussi, mon garçon. Tu as cette même force en toi. Chaque pas que tu fais vers l’école est un pas vers un futur meilleur. 

Samë : Mais si je continue, et que ça ne marche pas ? 

Paulette : La vie ne garantit rien, mon chéri, mais le vrai échec, c’est de ne pas essayer. Ziluthie a réussi parce qu’il croyait en lui-même. Tu dois croire en toi aussi. 

Samë : Alors, tu penses que je peux réussir ? 

Paulette : Plus que ça, Samë. Je sais que tu réussiras. Et un jour, tu regarderas en arrière et tu seras fier de tout ce que tu as accompli. 

Hnengödrai et le siège du Joxu

Le terme Hnengödrai désigne le siège du Joxu, centre symbolique du pouvoir coutumier. Selon la tradition orale, les anciens auraient fait venir un bambou de Mëëk (Grande Terre) pour le planter à Hnengödrai. L’origine exacte de ce bambou demeure incertaine, mais son implantation marque un geste fondateur, associant nature, territoire et autorité coutumière.

Le déplacement de la chefferie

Le déplacement de la chefferie vers les hauteurs de Mou (Hnakej) aurait eu lieu sous l’influence de deux missionnaires : Sleigh et Baker. Le missionnaire Baker résidait à Bethania, tandis que Sleigh habitait à Mou, à Vincennes, lieu-dit où se trouve aujourd’hui la maison de Siwelë. Ce transfert illustre les transformations territoriales et spirituelles provoquées par l’arrivée des missions protestantes dans les structures traditionnelles.

Le terme Akötresie

Le mot Akötresie est étroitement lié à Atresi, qui désigne les personnes d’importance au sein de la chefferie, détentrices d’une autorité morale et coutumière reconnue. L’expression renvoie à l’équivalence d’un nombre incalculable de Atresi selon la tradition.

La traduction de la Bible

La traduction de la Bible en langue lifou a été réalisée par le missionnaire Creagh, assisté de plusieurs anciens. Le travail s’est déroulé à Bethania et a duré environ 8ans. Les anciens travaillaient assis sur des nattes, souvent des heures durant, sans se relever. Certains en gardèrent les pieds ankylosés. Leur persévérance témoigne de la volonté de rendre la Parole accessible à leur peuple dans leur propre langue.

La coutume

La coutume occupe une place centrale dans la conception kanak du monde. Elle a été instituée pour établir le lien entre le monde visible — celui des hommes — et le monde invisible — celui des ancêtres totémiques. Le maintien de ce lien est essentiel, car il assure la continuité entre les générations et la mémoire du passé. Rompre ce lien reviendrait à rompre l’équilibre même de la société.

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