Nuelasin n°175 – 24 mai 2024

Bozusë, 

            A un moment, je pensais que je n’allais plus pouvoir sortir Nuelasin. Surmenage avec toute l’actualité du pays. Mais une foi ‘intérieure’ me poussa tout de même à poursuivre. Je savais que je n’étais pas seul dans cette posture. D’autres personnes autour de moi, écrivaient. Elles me lisaient aussi et me soutenaient dans le travail d’écriture. La semaine dernière, j’ai reçu un mail de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Un écrivain papou me soutenait, pas moi seulement, mais aussi les autres écrivains de Nouvelle-Calédonie. Par Nuelasin, je transmets le message de Baka Bina. Il pense à nous pendant ces moments troubles que vit notre pays. Je pense aussi à Claudia Rizet qui écrit et qui publie des messages de vie dans son blog Présence kanak sur le Net. On ne se voit pas, mais le cœur est là. Palpable. Amitiés. 

            Je donne un peu de mes nouvelles du Nord de la Nouvelle-Calédonie et plus particulièrement de Voh. Ici c’est plutôt calme mais on suit avec force toute la tragédie qui se noue dans la capitale. Nous avons nos familles là-bas calfeutrées chez elles alors que la pénurie de nourritures et des biens de première nécessité se fait de plus en plus pesante. 

Aujourd’hui jeudi 23 mai 24, la venue de notre président de la république dans le pays est à la Une de l’actualité. Je suis comme Monsieur tout le monde. J’espère qu’il apportera une aide qui va contribuer à faire revenir le calme. La priorité. 

            Comme activité du week-end dernier, j’en faisais déjà écho dans Nuelasin 174. C’était l’intronisation du chef de la tribu de Tiéta. Cela s’était fait dans le calme et la joie de vivre. Beaucoup de monde de la région était venu pour apporter les coutumes aux paroles de ce travail. La tribu a maintenant un chef. C’est le socle qui va maintenir l’équilibre et renforcer les liens entre notre tribu et notre collège. 

            Tous les jours, je me rends à l’école, ne serait-ce que pour donner l’âme à l’institution. Nous avons déjà arrêté les cours depuis la semaine dernière, mardi. Et je ne sais quand allons-nous reprendre. En tout cas, je ne pense pas que ce soit pour la semaine prochaine. L’ensemble du réseau routier n’est pas encore opérationnel. J’ai plutôt demandé à tous les profs du collège de faire notre conseil des classes du trimestre par courrier électronique. À l’heure de la mise en page le conseil n’est pas encore terminé pour toutes les classes. Le personnel étant disséminé dans l’ensemble de tout le territoire, des îles Belep au nord jusqu’à Nouméa la capitale au sud. 

            Hier, ma fille est arrivée de Nouméa. Elle faisait partie du voyage par le Bético, bateau affrété par la Province Nord. Il y avait dans ce périple 282 étudiants partis de la capitale vers 10h. Ils sont arrivés dans le port de Vavouto vers 16h. Ils ont été acheminés après par bus dans leur tribu et village respectifs. Je suis heureux parce que ma fille est arrivée mais aussi parce que j’ai contribué à ce dispositif en collectant les numéros des parents et des étudiants bloqués à Nouméa depuis les émeutes.

            J’ai une pensée particulière en ce moment au frère Jules HMALOKO, le photographe à la chaise roulante, parce que son studio à la vallée du tir a subi des dommages pendant les émeutes. J’ai longtemps échangé avec lui au téléphone. Il a perdu des meubles et tout l’outillage pour son travail. Heureusement que les jeunes émeutiers n’ont pas mis le feu parce qu’une vieille (sens kanak du terme) caldoche qui habitait au-dessus du studio leur a crié dessus. Quand les jeunes casseurs furent partis la mamie est descendue de son étage pour récupérer ce qui restait ‘de récupérable’ et l’a stocké chez elle. Elle a appelé Jules par la suite qui, par des chemins détournés s’est rendu sur les lieux. Voilà aussi la solidarité calédonienne qui s’est jouée entre nous habitants de ce pays, pendant ces périodes troubles. J’espère que ce lien-là ne se rompra pas avec le temps mais qu’il dure aussi longtemps que la Terre le permette. Cette chaîne nous portera tous, j’en fais le vœu … jusqu’à notre dernier souffle et même jusqu’aux étoiles. 

Pour accompagner le vieux Maselo, je vous propose Il pleut doucement sur la ville de Paul Verlaine. Au fait, j’hésitais entre cette poésie, Barbara de Prévert et la prière de Gandhi. Bonne lecture et portez-vous bien par ces temps qui courent. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

–       Bonjour Mme Géraldine, vous avez entendu la nouvelle ?

–       Oh ! M. Maselo ; laquelle de nouvelle ? Nouvelle par ci, nouvelle par là… 

–       Vous avez raison. Mais moi je revenais à la visite d’une des classes du collège de Tiéta au centre culturel de Pomémi. Je vous dis ça parce que j’ai amené une maman et sa fille qui avaient raté le bus de transport du collège. 

–       C’est pas moi qui vais courir pour ce genre de bêtise. 

–       Vous avez tort Mme Géraldine, l’exposition était très intéressante. La dame qui expose a même écrit une note sur une feuille et a donné à une petite fille du collège. La petite était fin contente. Je dis ça parce que le journal du collège en fait écho. 

–       Vous avez raison M. Maselo, moi je vais à l’écomusée du café de Voh. Il y a aussi une expo par là-bas. 

–       On y arrive. 

Il pleut doucement sur la ville

Il pleure dans mon cœur 
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écoeure.
Quoi ! Nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine
Romances sans paroles (1874)

photo Ecomusée du café de Voh

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