Nuelasin n°174 – 17 mai 2024

Bozusë,

Je relis mes notes de vendredi et je me rends compte que j’ai fait une grosse bourde. Ma nièce Konyie ne me fait plus de remarques pour dire que deux verbes qui se suivent, le second se met à …? Ce n’est pas dans le journal Nuelasin 173 mais dans le texte qui accompagne. J’étais un peu fatigué, pensais-je, la concentration n’y était plus. « Je vais m’arrêtais là… » Haha ! M. le prof de français. Je sais que dans le lectorat, il y a des personnes qui n’aiment pas ça. N’est-ce pas Mmes Wexeue X. et Denise W. Ehaéèéè ! Ne me pendez pas. Bisez-moi. Passons…

Info collège : le CDT est fermé depuis mardi 15h30 jusqu’à nouvel ordre. Cette fermeture est liée aux événements qui frappent le pays en ce moment. J’ai réuni l’ensemble des employés qui composent le personnel de l’établissement à l’heure de la récréation de la matinée. Il était sorti d’un commun accord qu’il serait préférable de suspendre les cours. Sécurité des personnes oblige. Aujourd’hui (mercredi), je suis allé récupérer des médicaments à la pharmacie mais en passant avant chez le toubib. Il me rit dessus parce que je n’acceptais pas que le jeune de Balabio me prenne pour un vieux (Nuelasin 173). Il me raconta ensuite que son épouse fut très surprise d’être appelée Mamie par deux jeunes filles à la sortie d’un supermarché de la capitale. « Laissons passer la vieille mamie… » lui ont-elles dit. Le toubib qui marchait à côté de son double souriait sous cape. C’était le sens local du vocable respectueux qui était usité qu’il faut comprendre.

Jeudi 16 mai ‘20h30’ : alors que dans la capitale monte d’un cran la tension, dans la vallée les préparatifs pour l’intronisation de la chefferie Tidjite allaient bon train. J’entends encore les battements de mains et les cris qui rythment les danses pour ces festivités, à notre maison commune. Les nouvelles parvenant des réseaux sociaux montrant des images de la capitale ne sont pas bonnes. Le degré de violence, le couvre-feu et l’état d’urgence rappellent les heures sombres de notre Calédonie. Je passais le BAC en cette fin d’année 1984. Aujourd’hui, je suis éloigné de ma fille et de mon aîné dans la capitale. Je pense aux deux autres collègues qui ont aussi leurs filles au milieu de la tourmente. Mon collègue d’EPS n’a pas pu quitter Tiéta pour se rendre à son domicile à cause des barrages routiers. Je comprends et je partage la douleur des familles brisées. Tout le monde est triste. J’espère que la raison revienne vite pour que chacun retrouve la paix. Mon vœu le plus cher.

Dernière image de l’école avant que j’envoie Nuelasin, en arrivant à mon bureau, j’ai tourné mon regard vers les habitations du personnel, derrière nos salles de cours du haut, la voiture de notre prof d’EPS est toujours là. Il n’est donc pas rentré à la maison. Après l’envoi du petit journal, j’irai boire un café avec lui. Ainsi va le monde…

Balabio (suite et fin): Je reprends la chronique de ma petite rencontre avec le jeune de Balabio sous l’abri dans le parking à côté du marché de Bourail. Au fait, je lui ai donné quelques pièces pour qu’il aille se payer un café dans le stand du marché. J’ai partagé mes deux nems et la main de bananes que je lui ai laissées après pour la route. Sinon, il était très excité de me dérouler sa vie. J’appris qu’il vivait de la pêche, de l’agriculture et de la chasse. La chasse, tiens. Ce matin de samedi, il était avec un gros transistor.

« Le vieux, tu vois ça ? Ce n’est pas pour mettre de la musique. Tu vois le jeune, là-bas ? (Il me pointe de l’index un autre jeune qui se trouvait derrière le grillage du marché, dans le taillis côté rivière) Ben, il a voulu se sauver avec l’appareil. Je l’ai stoppé net et je lui ai dit de ne pas faire ça. Ça, c’est pour faire la chasse. Je n’écoute pas la musique avec. Et vous savez, comment j’ai acheté ça ? J’ai donné des sous à un cousin qui est allé à la Vallée du Tir pour payer un Chinois. Quarante sept mille francs. C’est le vendeur qui a dit que c’était assez. J’ai tué beaucoup de cerfs pour lui. Maintenant j’ai acquis une nouvelle technique. Je vais dans les vallées et je cale un morceau (au fait, il a enregistré une meute de chiens qui aboient. Il voulait me le faire écouter en appuyant sur play. C’est moi qui lui ai dit de ne pas le faire. Imaginez les marchands dans leur stand) et je vais me poster en hauteur. Quand le gibier sort de leur cachette, je leur tire dessus. Des cerfs, des cochons sauvages. Pas des petits. J’ai toujours de la viande et de quoi manger à la maison. Pour le moment, je ne suis pas marié. J’ai 32 ans. J’attends… Je l’écoutais avec intérêt alors que plusieurs questions m’envahissaient au même moment. Je pensais par exemple au trajet qu’il a déjà parcouru et à celui qu’il lui reste encore à accomplir. La vraie interrogation. Quand arrivera-t-il chez lui à l’îlot Balabio ?

On se serra la main et je partis.

Pour accompagner le vieux Maselo, je vous propose un sketch de Raymond Devos. Jeanne d’Arc. Et ceux qui ont le Net, pour avoir le cœur net, allez jeter un œil de comment l’artiste interprète son texte… sublime ! Cela vous changera sûrement la couleur du temps pour un moment.

Dans la petite voiture de Maselo

  • Où voulez-vous que je vous amène M. José ?
  • À Métallerie du Nord. Je vais négocier une place pour mon fils. À partir de la semaine d’après il doit commencer son stage qu’ils appellent stage en entreprise.
  • Je vois. Oui. Un parent m’a expliqué l’intérêt de cette pratique. Il est allé au collège pour suivre une réunion qui traitait du sujet.
  • Au collège de Tiéta, ce sont deux profs qui assurent la liaison entre l’école et les entreprises. M. Dédé et M. Yvon. C’est plutôt bien. Vous savez ? Les élèves qui sont retournés de leur stage disent en général qu’ils ont aimé leur expérience.
  • C’est sûr. Le fils de l’infirmière qui habite pas loin de la maison est devenu ingénieur. Et c’est tout simplement après avoir fait un stage à la Tontouta chez les pompiers.
  • Oh, moi c’est simple M. Maselo. Je veux que mon fils fasse le métier qu’il a envie dans sa vie.

Écoutez

Écoutez, récemment je reçois un coup de téléphone curieux.

Déjà la sonnerie… elle était pas comme d’habitude…

Je décroche : – Allô, qui est à l’appareil ?

J’entends une voix de femme qui dit : – C’est Jeanne.

  • Qui qui ?

Elle dit : – La Pucelle.

Je connaissais pas de pucelle : – Je vous demanderai de préciser.

Elle me dit : – Jeanne d’Arc.

  • Mais, c’est une plaisanterie ???

Elle dit : – Non, c’est très sérieux, je voudrais vous parler.

Je dis : – Je vous écoute, Jeanne…

Elle dit : – Pas au téléphone, on pourrait nous entendre…

Je dis : – Où ?

Elle dit : – Dans le jardin…

Je raccroche et je vais dans le jardin.

J’entends : – Raymond, Raymond !

Je dis : – Où êtes-vous ?

Elle me dit : – Je suis là-haut.

Je dis : – Ah oui, je vous vois comme une petite flamme.

Elle dit : – C’est tout ce qu’il me reste.

Elle dit : – Raymond, vous allez aller à l’Élysée…

  • Oui, Jeanne.
  • Vous allez voir le Président de la République…
  • Comment le reconnaîtrais-je ?
  • Mais, il est dans le Bebette Show… c’est celui qui fait Dieu.

Elle me dit : – Vous allez dire au Président de la République que son histoire du tunnel sous la Manche, moi, Jeanne d’Arc, je considère ça comme une offense personnelle : c’est pas la peine de les avoir rejetés par au-dessus, pour les faire rentrer par en dessous !

  • Oui. C’est tout, Jeanne ?

Elle dit : – C’est tout !

Ça n’a l’air de rien, mais… allez, allez, allez, frappez à la porte de l’Élysée !

Allez dire au Président de la République : – Je viens de la part de Jeanne d’Arc…

Il va dire : – Il est dérangé… ?

Pas du tout ! Il me dit : – Comment va-t-elle ?

Je dis : – Elle va bien, Monsieur le Président. Ah – un peu éteinte.

Je dis : – Écoutez, Monsieur le Président, elle m’a chargé de vous dire une chose…

Il dit : – Je sais, je sais, le tunnel sous la Manche…

Je dis : – Comment, vous êtes au courant ?

Il dit : – Oui, vous répondrez à Jeanne d’Arc que les ordres je les reçois directement d’en haut…

  • C’est le téléphone… Excusez-moi. Deux minutes…

(Au téléphone) : – Allô ? C’est Jeanne qui rappelait…

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