Le cycle de l’igname

Calendrier agricole saisonnier et régulateur de la coutume pivot duquel s’organisent la structure politico-sociale, les échanges traditionnels, une partie des mythes et le calendrier saisonnier !

L’année « Drehu », symbolisée par le cycle de l’igname, part d’une récolte (mars) à celle de l’année suivante, ou va d’une offrande de prémices à la suivante (qaan la iölekeu uti hë la ketre iölekeu).

Les différentes périodes de la culture marquent les saisons (la isa ijin la macatre). Les 3 périodes principales sont la période de soleil (juillet à décembre), la période des pluies et cyclones (décembre à février) et la période des récoltes (mars à juin).

*HNAIEDRÖ => le calendrier saisonnier commence en juin-juillet (treu ne qeu) au moment du défrichage. On commence par débrousser (qeu) les terrains d’ignames (hnazé), puis on laisse sécher la verdure et les feuillages avant d’y mettre le feu (man) par écobuage. Après on nettoie le champ en enlevant tout ce qui n’a pas été brûlé : arbustes, feuilles sèches (thelëthelë, sanaman).

*TROHNENY => en juillet-août, on prépare les trous (iumany) ou les billons. On commence à retourner la terre, aujourd’hui avec les tracteurs, les barres à mine ou les pioches mais autrefois avec des pieux (wejë). C’est le labourage (trohneny ou thitha).

*LI XAJI => en août, c’est la période de plantation des ignames (li xaji) ; elle s’étend jusqu’en septembre pour les espèces tardives. La plantation est effectuée avec des « xajis », semences qui peuvent être des ignames de petite taille ou des têtes d’ignames plus grandes.

*HNE ELENG => en septembre et octobre, les jeunes pousses apparaissent (zin). Le tubercule de l’année se forme dans les entrailles de la terre (tubérisation). On rame les ignames pour guider les tiges dont l’appareil est aérien. On plante une perche-tuteur (eleng) à côté de chaque pied.

*KUJI AFITR => en novembre, on déterre la vieille igname (afitren) qui était le xaji pour que la nouvelle igname pousse bien dans le trou. Des fois, les Vieux replantent ces vieilles ignames dans un autre petit spot « pour » avoir des futurs plants d’ignames pour la prochaine saison. D’où une pierre deux coups !

*TRIJI ZIN et UNIDR => en décembre, si l’igname qui pousse a plusieurs yeux, on casse ces yeux de façon à n’en laisser que deux. Mais si on veut avoir une Très Grande Igname, on laisse un œil. Cette opération est appelée « triji zin », et l’élimination des tubercules secondaires pour ne laisser que celui sélectionné est appelé « unidr ».

*KÖTRECILEËJI => décembre, janvier et février sont la période de croissance de l’igname. Un désherbage superficiel est indispensable. Mais il faut le pratiquer avant huit heures du matin et après quatre heures de l’après-midi, car dixit les Vieux « l’odeur de la transpiration dégagée aux heures chaudes indisposerait l’igname ». Usshhtt hihihi !!

*SATRESI => à la nouvelle lune de janvier, le vent d’Ouest (eëk) qui vient d’Ouvéa (aouka anyik eac) amène une chaleur soudaine (thiny) qui menace les champs d’ignames ; le thiny peut s’abattre sur les ignames et dessécher brutalement l’appareil aérien des jeunes ignames (zine koko). Durant les mois de janvier et février, avant dans les temps immémoriaux, avant l’arrivée de la Civilisation de Consommation, il n’y avait plus rien à manger. On va alors déterrer ou cueillir les nourritures de disette et de famines « xeni ne jiin ». Alors on mange les racines de cordyline «waane zi », le paza un bourao comestible (osso Mama Pazadi) ; on mange aussi les jeunes pousses du « fufucé » (en faka latin, dioscorea pentaphylla) ; on mange aussi le « alu », magnagna jusqu’aux ignames amères « thuma » (il y a une façon de le préparer) ! On mange aussi le « wecia », un grand taro sauvage et amer ! On mange aussi les pousses de pahatr (une fougère) et le « panganaï » (asperge canaque) ! On mange surtout les fameux « sils » comme une sorte de laiteron, le « haetraqa » (mmm en salade) ! On mange aussi une sorte de brède le « tu », le wej « chou canaque ».

*IÖLEKEU => en mars, dans chaque district, un « Atresi » Prêtre Totémique (Responsable des pierres magiques de l’igname) est habilité à aller voir si l’igname est bonne à récolter pour en faire l’annonce au Grand Chef ANGAJOXU. Les premières ignames sont l’objet d’un rituel => elles ne devraient pas être cuites autrement que grillées (dreu koko). Ce rituel du « dreu koko », le « canalu », annonce au peuple que les ignames vont être récoltées => un dignitaire dont le « haze » (génie protecteur) est la liane « alu » (magnagna), grille la première variété « wanakoko », la goûte et va donner l’autre moitié au Grand Chef ANGAJOXU. Si celui-ci déclare que l’igname est bonne, la récolte de la nouvelle igname peut commencer.

*XOME ATHIPI KOKO => chaque village doit apporter les prémices, c’est-à-dire les premières ignames de la récolte, en offrande au BIG BOSS, LE GRAND-CHEF ANGAJOXU ❤ !

*IÖLEKEU => en mars et avril, dans les différents villages, on va présenter le « hotr », sorte de tribut marquant l‘allégeance au Grand Chef. Les aînés des clans sont les participants à la cérémonie qui se tient chez le « BIG BOSS » ANGAJOXU pour la remise du « hotr ». L’ordonnancement des différents tas fait apparaître et reconnaître le rang des clans dans la hiérarchie sociale. Tous les sujets « jin », doivent le « hotr » ; mais pour les Chefs des clans élevés, la remise de celui-ci varie selon le degré des obligations qu’ils ont à marquer vis-à-vis de la Grande Cheffery.

*MENU (RECOLTE) => en mai et juin, on récolte les ignames ; c’est la fin de l’année agricole. On enlève les ignames avec des pieux « wejë ». Ce sont les hommes qui les déterrent ; les femmes en principe ne doivent pas y toucher, sauf s’il s’agit des plantations des femmes. Les ignames sont entreposées soit dans une petite case (uma ne koko) ou soit sur des plateformes treillagées (ita koko). De nos jours, à cause des vols des ignames dans les champs, il vaut mieux tout ramener chez soi avec un gros « pit-bull » ou un « rottweiler » devant la case à ignames hihihi !

Pendant 4 à 5 millénaires, la Nouvelle-Calédonie et les îles Loyauté, sans oublier tous leurs autres cousins dans le Grand Océan Pacifique, ont vécu la « Civilisation de l’Igname ».

C’est elle qui explique l’organisation socio-politique et les usages coutumiers.

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