Mardi 6 janvier 2018 (5h19)
Après la réunion, je suis parti à Poindah pour rejoindre la compagnie. C’est là-bas qu’Elisa me remit une enveloppe. Une pensée de la direction de l’école du dimanche pour me remercier de mon intervention de mardi dernier sur la culture kanak. J’ai traité deux thèmes : le respect et la parole kanak. 2000frs. Mais je voulais surtout partager mon geste après avoir reçu mon ‘salaire.’ Pendant toute la durée de la colonie, j’étais la compagnie du vieux Daniel G. Je l’ai trouvé assis sur un banc sous l’allée de sapins à côté de la véranda du temple. Il était avec son linge du dimanche, une chemise, un pantalon tergal un peu élimé et rafistolé, on pouvait voir les fils blancs d’une couture de raccommodage par endroit. Le vieux portait aussi une écharpe au cou. Des couleurs mornes qui épousaient l’harmonie de la vallée grise de ce moment-là. Il avait la triste mine. Le style de vie avec une lumière tournée vers l’intérieur. J’avais un pincement au cœur en le voyant.
Un moment, quand je me suis trouvé seul avec lui, je sortis l’enveloppe que Elisa m’avait remise et je me penchai vers le vieil homme. Je lui murmurai à l’oreille : « Tenez, le vieux. C’est ce que j’ai reçu comme remerciement de Mme Évelyne responsable de l’école du dimanche. Je ne l’ai pas ouverte. » Et je lui remis l’enveloppe. Au bout d’un moment, je revins pour dire au vieux de l’ouvrir devant moi, non que je voulais savoir la somme que Mme Évelyne a donnée, non. Je disais à Daniel que si les femmes de l’école avaient donné une feuille de chèque, je reprenais l’enveloppe pour leur dire de me donner la somme en espèce. Il ouvrit grand l’enveloppe pour dire : « 2000 frs » en souriant. Il était heureux. Non de la somme, je ne le pense pas du fond du cœur. Il était plutôt content de mon geste. Nos cœurs tendaient vers une pensée commune. Cette dimension tout simplement humaine que tous dans ce bas monde le font pour vivifier la chaleur humaine. Un geste d’amour simple qui maintient le cœur chaud.
Pour accompagner le vieux Maselo, je propose un taperas drehu avec ma tentative de traduction. Si quelqu’un veut soumettre une autre traduction, c’est le bienvenu. Je propose aussi l’échange (à prendre avec des pincettes) dans la petite voiture de Maselo. Sujet tabou cher au pays du non-dit mais on en parle quand même. Bonne lecture à vous de la vallée où il y a de l’orage tous les après-midis. Voilà notre quotidien pour cette partie de l’année. Wws
Dans la petite voiture de Maselo
[Dans le taxi de Maselo, entre Gatope et Voh]
Tchuké (voix tendue) : Moi je te le dis, Daxune, ta grand-mère elle a jeté un sort à ma mère. Depuis qu’on a eu la maison en haut du col, elle est malade tous les mois. C’est pas normal.
Daxune (indignée) : Hé ! Tu parles mal ! Grand-mère, c’est une femme de prière. Elle soigne les gens en priant, elle ne les empoisonne pas.
Tchuké : Soigne ? Elle a regardé ma mère avec ses yeux de travers, le jour du marché. Et le lendemain, boum, fièvre, douleurs, plus rien ne pousse dans le potager.
Daxune : Tu crois que tout ce qui t’arrive, c’est la faute des autres ? Peut-être que ta mère est fatiguée, ou que le sol est sec. Tu veux toujours accuser.
Tchuké : Non. C’est pas la première fois. Elle a déjà fait ça à la cousine de mon père. Utë. Et à l’oncle de maman. Tein. C’est connu à la tribu.
Daxune (furieuse) : Tu racontes n’importe quoi ! Si elle était sorcière, elle serait pas là à faire des tisanes pour les vieux. Tu veux juste salir son nom.
Maselo (dans le rétro, un sourire en coin) : Eh ben… si les esprits écoutent, ils doivent bien rigoler aujourd’hui.
Tchuké : Rigoler ? Moi je rigole pas. Je veux qu’on parle au conseil. Qu’on fasse venir les anciens.
Maselo : (Rit sous cape)
Daxune : Vas-y. Mais prépare-toi à entendre que c’est toi qui sèmes la discorde.
Maselo (calmement) : Dans la voiture, chacun a sa vérité. Mais dehors, c’est la coutume qui tranche.
[Silence tendu. Le taxi continue sa route, les regards brûlants dans le rétroviseur.]
Hnei atre trenamo (Taperas)
1 – Hnei atre trenamo atre nyi waina i atr/l’homme riche, imbu de sa personne
Hna tro nyimenyim madri xajawai Iesu /se précipita gaiement au devant de Jésus.
Nge angeic a nyinyape, qaja nyimenyimën/ Même qu’il courait, pour lui demander :
Nemene la qang troa kuca matre melepini/« Que dois-je faire pour que je sois libéré de mes péchés ? »
Ch – Hawe hmacafëhë la ika wesitramenyi/Et bien, quelle grave erreur l’acariâtre personnage
Pine laka atrehë angeic ngöne la hna ulatine/n’eut-il pas fait de ne pas se taire au regard de la parole qui dit :
Nuepi la moi eö matre nyine ihnimi/« Donne ton bien comme aumône
Kowe la itre pë ewekë/à ceux qui sont dans le besoin. »
2 – Thina i trenamo, ngöne la ijine Mei/L’habitude de l’homme riche, pendant la fête de mai
Troa nyi wainaiatre hnei itre hna thaip/est de montrer fière allure en s’affichant vertement,
Me la aqane xeni me hnyapa ithanata/la manière de manger et de proférer de belles paroles,
Ngo wesitramenyi e troa kuiëne la ahnahna/mais avare de donner l’aumône.
3 – Qëmekene la nöjei atre ka nyimutre/Devant la multitude
Iesu a xajawa trenamo hë; calemi/Jésus vit l’homme riche venir à lui
Me utipi angeice, ke atre hë nyidrë/et le prit en pitié, parce qu’il savait déjà
Tro hë e drëhe a hmacafë la hni ka hace/que ce dernier allait retourner avec un cœur très peiné.
4 – Ngöne la ijine Mei, trosa hnyingë nemen/Quelle est la vraie problématique de la fête de mai ?
Pëkö xa ewekë tro Iesu a ulatin,/Jésus ne rajoutera aucune autre parole
Casi la ajai nyidrë nuepi la moi eö/il n’a qu’une seule volonté : « Donne ton bien pour l’aumône
Matre nyine ihnimi kowe la itre pë ewekë/avec amour, pour ceux qui sont dans le besoin. »












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