Nuelasin n°217 – 19 septembre 2025

Le don de l’enfant kanak

L’arrivée de la famille de la mariée fut marquée par un moment d’une intensité rare, à la fois solennel et profondément émouvant : le don des deux enfants nés avant l’union officielle des époux. Ce geste, loin d’être anodin, s’inscrit dans le cœur même de la coutume kanak, où les liens de filiation, de clan et de terre se tissent dans le respect des équilibres et des transmissions.

Deshy, père responsable de la jeune épouse, s’est avancé avec la noblesse de ceux qui savent que la coutume est avant tout un acte de parole, de don et de reconnaissance. Sans hésitation ni réserve, il a remis les enfants à la famille de l’époux, dans un geste empreint de sagesse et de confiance. Ce transfert, réalisé dans le respect des usages ancestraux, n’est pas une séparation, mais une réinscription dans le tissu des lignées, une manière de dire : ces enfants sont désormais portés par la maison de l’homme, mais leur origine est honorée et reconnue.

Face à ce geste d’une valeur inestimable, notre clan, les Hnaialu/Ifij, a répondu avec promptitude et respect. L’échange coutumier s’est fait dans la réciprocité, comme il se doit : deux grosses ignames, enveloppées dans deux feuilles de cocotier tressées, ont été offertes en retour. Ces ignames ne sont pas de simples tubercules — elles sont chargées de sens. Elles incarnent la terre nourricière, la fécondité, la parole donnée et l’engagement pris. Offrir l’igname, c’est dire : nous avons reçu, nous reconnaissons, nous nous engageons.

Ce moment, scellé dans la coutume, dépasse les individus. Il inscrit l’union dans une temporalité longue, celle des ancêtres et des générations à venir. Il marque une alliance durable entre les deux familles, une promesse faite pour la postérité, dans la continuité des liens de parenté, de solidarité et de respect mutuel.

Dans la tradition kanak, le don de l’enfant est un acte coutumier majeur. Il ne s’agit pas d’un abandon, mais d’un repositionnement dans le réseau des liens sociaux et spirituels. L’enfant peut être confié à une autre branche du clan, à une famille alliée, ou à celle du père, selon les circonstances et les accords coutumiers. Ce geste est toujours accompagné de paroles, de dons symboliques (ignames, tissus, argent, objets traditionnels), et d’un engagement mutuel.

Le mariage, tout comme le don de l’enfant, est un acte de construction sociale. Il ne se limite pas à l’union de deux individus, mais engage des familles, des clans, des territoires. Il est précédé et suivi de multiples échanges, où chaque geste, chaque parole, chaque offrande a sa place et son poids.

Pour accompagner le vieux Maselo je remets les surnoms des tribus drehu avec l’aide de quelques retours du lectorat. Bonne lecture à vous. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

Nasaie : Franchement, Mose, chaque fois qu’on parle de mariage, j’ai l’impression que tu vis dans un autre siècle.

Mose : Et moi, Nasaie, j’ai l’impression que vous oubliez ce qui a toujours fonctionné. Nos parents savaient ce qui était bon pour nous, pourquoi remettre en question cette sagesse ?

Nasaie : « Fonctionné » ? Tu veux dire des mariages où l’amour vient après, s’il vient un jour ? Moi, je pense qu’un mariage doit être basé sur un choix libre et réciproque. C’est un engagement entre deux personnes, pas entre deux familles qui décident pour nous.

M. Maselo (souriant dans son rétroviseur) : Ah, voilà un débat qui sent bon l’histoire ! Mose, dis-moi, tu ne crois pas que l’amour pourrait être un bon fondement pour une union ?

Mose : L’amour est souvent une illusion. Il vient et il passe. La stabilité, l’honneur, et la responsabilité sont bien plus solides que ce que vous appelez « amour spontané ».

Nasaie : Mais c’est justement en choisissant que l’on prend cette responsabilité ! Si deux personnes se marient de leur plein gré, elles acceptent de bâtir quelque chose ensemble, sans y être forcées par leurs familles.

M. Maselo (haussant un sourcil) : Hm… Mais si on vous laisse choisir, comment être sûr que vous ne ferez pas de mauvais choix ?

Nasaie : Si je me trompe, c’est ma vie, mon erreur, et ma leçon à apprendre. Au moins, ce sera ma décision !

Mose : Et si ton choix mène à la souffrance ? Si la passion aveugle ta raison ?

Nasaie : Et si un mariage arrangé m’enferme dans un malheur que je n’ai jamais voulu ?

M. Maselo (riant doucement) : Ah ! Vous avez chacun de bons arguments. Moi, j’aime surtout observer ce débat. Peut-être qu’un jour, vous trouverez un terrain d’entente… ou alors, je vous inviterai au mariage arrangé du cousin de ma belle-sœur !

Les surnoms des tribus drehu (revisités)

Wetr : Luecila= Borivage (beau rivage) à cause de la très belle plage. Je me rappelle maintenant d’une explication de Pasteur Ofë-qatr de ce vocable quand on était collégien à Havila et quand on allait au culte le dimanche à Luecila. Nang (Gaiulaz) Kirinata/Ciole (Zeolil) Hnathalo (Samariten/samaritaine) Saint-Paul (Faofor)= Francfort, une ville allemande. L’explication est de drikona Paninë de Saint-Paul. Il est vrai que chacun connait mieux sa propre histoire. Je fus très surpris de ce qu’il disait. Je ne savais pas non plus que Faofor était une tribu protestante. Tingeting (Amuröz/amoureuse), Hnacaöm=Qanumacatr; Hnanemuaetra (Wailu) Jokin (Atomik) Mucaweng (Lalumi) Siloam (Vent d’Ouest) Hunëtë (Nugini) Xepenehe (Igilan) Kumo (Wangekö/OK) Nang (Gaiulaz/GZ) Hnapalu (Lilozur de l‘ile aux roses) Easo (Osae)

Lösi

Hnase (Hacetranu) Traput (Solacic) Jozip (Jazol) Hnaeu (Naligi) Luengöni (Neibac) Joj (Bëikaco) Mou (Beirumas) Xodre (Oriatal, Orian, Zelaf) Hunöj (Ponoz) Hmelek (Ihmahma) Kejëny (Roularilos) Hnadro (Retal) Thuahaik (La Plenitude) Tixa= Melita

Gaica

Qanono (Sinöj/Hnaipolë) Hapetra (Tial) Drueulu (Littoral) Wedrumel (Wedru la Mel/Vent du sud)

Remarques: Ciole/Kirinata Quel est le vrai nom de cette tribu ?

We: le chef-lieu de l’île est composé de trois tribus: Qanono, Luecila et Hnase faisant respectivement partie des trois districts. Gaica, Wetr et Lösi. Je n’ai pas parlé de Hnapalu faisant partie de Luecila.

Traditionnellement: Wetr est le plus grand, après Lösi et le plus petit est Gaica. Dans le partage des gestes coutumiers, il revient toujours au plus petit de prendre la coutume ; libre à lui de donner après à qui il veut des deux. Je ne connais pas les critères de ce classement.

Wetr: Drehu s’appelait autrefois Wetr. « On allait à Wetr » en parlant de Drehu. »

Hnaeu: On nomme toujours à tort les trois tribus. Hnaeu, Wasany et Inagoj. Trois en une. En arrivant de Jozip, on tombe à Hnaeu ensuite Wasany et Inagoj à la sortie pour rejoindre Luengöni. Ce sont en réalité trois chefferies. Respectivement : Waheo, Akönë et Coo. Attention: Ne dites pas à quelqu’un de Inagoj qu’il est de Hnaeu.

Les entre tribus: Marques que Drehu s’agrandit. Hnaman va devenir une tribu, Waihmenë, Alo entre Hmelek et Hunöj… Les tribus s’étirent. D’ici quelques années, on ne verra plus les bornes limitrophes actuelles.

La forêt: Les Drehu occupent de plus en plus les réserves. Les forêts pour la culture (les champs) Ils construisent des maisons secondaires ou habitats principaux dans des endroits reculés de l’île. Xodre, Hmelek, Xepe, Drueulu etc… Dans pas longtemps, toute la surface de l’île sera habitée.

Beirumas: C’est Mu (Kirikitr) Bei (Bëikaco surnom de Joj)  Ru (Roumanie, c’est la partie nord de la tribu) Mas (Samesam, une autre partie) Deux surnoms d’une même tribu. Il y a ensuite la jonction de Joj à la tribu de Mu.

Kejëny: Ladran avec la nouvelle génération est devenu Roularilos. Rou (Roumanie) La (Laudr) Ri (Rio) et Los (verlan de Solesol) C’est la génération (BG=Bad Generation) des années fin 80 qui a donné ce surnom. Quatre surnoms liés à chaque départ du carrefour de eqae Ladran. Sans compter que le nom véritable de cette tribu est Huilueföe. Traduction : la tombe des deux dames.

Ihmahma: pour la tribu de Hmelek alors qu’il y a trois autres composants; Aelan, Alema et Danedanel. Ce dernier surnom est Dardanelles dréhuisé, un détroit reliant la mer Marmara à la mer Égée. Vers la Turquie. C’est le souvenir d’un vieux de Ihmahma qui est allé là-bas pendant la guerre de 14-18.

Xodre: s’est vu attribué beaucoup de surnoms. On dirait que chaque génération qui arrive donne toujours un surnom à la tribu. Le dernier, Zelaf. Falaise en verlan et dréhuisé. Il est vrai que ce bout du monde est surplombé des falaises du haut desquelles paissent allégrement les nani wael. 

Hnacaöm = Qanumacatr. Autrefois Alema. Qanumacatr est un caillou (rocher) d’un clan dans un lieu-dit. Il tend à devenir le surnom de la tribu. Un peu comme Ponoz pour Hunöj. Ponoz en effet est le nom d’un hnehmelöm (grande case des jeunes garçons dans le temps, avant la colonisation) se trouvant en plein milieu de la tribu (vers le temple)

Deux entités : Ce ne sont pas des tribus mais elles sont incontournables dans la vie de Drehu et aussi du paysage calédonien. Havila (Luevil) un étabissement de l’ex-Alliance scolaire. Cette entité a plus de 100 ans maintenant. Hnaizianu (Paris soir) qui est aussi un établissement de l’ex-ASEE. Il va être centenaire comme Luevil l’année prochaine, 2026. N’est-ce pas grand frère Lalie Belë (qui a écrit sur l’origine de Paris soir dans un numéro de Nuelasin mais que je n’ai plus en tête.) ?

Mystère : Il y a des mystères que renferment certains noms de tribus et des surnoms que je ne peux malheureusement pas révéler. C’est aussi cela le côté pays du non-dit.

copyright photo : Yvanna Doï

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