Nuelasin n°211 – 25 juillet 2025

Bozusë,

Mon coin de paradis

J’aime accueillir amis, proches et même journalistes dans un coin discret que j’affectionne tout particulièrement. Un petit paradis caché, niché dans les gayacs, à flanc de montagne, tout près de la maison. Quand la pluie tombe, le creek dévale en cascade depuis les hauteurs et remplit une crevasse. Ce bassin naturel devient un précieux réservoir.

Chaque soir, lorsque l’heure de la toilette venait, j’emportais mon seau, mon savon et mes affaires. Le bassin n’étant pas profond — on ne s’y immergeait jamais entièrement. Juste une trempette, le corps à peine mouillé, le cœur apaisé. Mais c’était moins l’eau que le lieu lui-même qui m’appelait. Ce sanctuaire, sombre et humide, tapissé de bois silencieux, m’enveloppait d’une sérénité rare.

Les oiseaux voletaient autour du bassin. Les pies effleuraient l’eau en rase-mottes et se posaient sur les rochers en jacassant, déclenchant une cascade de cris qui attirait d’autres volatiles. Peu à peu, mon lieu de baignade devenait une volière, une symphonie ailée à la tombée du jour.

À ma sortie, serviette sur les épaules, je quittais ce théâtre naturel au milieu de la cacophonie crépusculaire. C’était beau — indescriptible. Comme si les premiers instants du monde avaient pris racine ici.

Et puis il y avait Elisa… Elle avait semé ses fleurs au pied des arbres du sentier. Certaines suspendues, pendaient vers le passage, comme des offrandes aux visiteurs. Les lianes de fruits de la passion escaladaient les troncs, tissant des guirlandes vivantes, parsemées de fruits gorgés de soleil.

Je mettais toujours du temps à atteindre le bassin, trop absorbé par l’émerveillement. Et parfois, en revenant, je filais tout droit à la cuisine, mes mains pleines de pommes liane. La joie de vivre m’envahissait — elle me baignait, m’élevait, et effaçait toutes les broutilles journalières. J’étais revigoré.

Je sais que Mme Fany, journaliste radio et lectrice assidue de Nuelasin, garde en mémoire cet endroit si particulier. Je l’y avais conduite un jour pour une interview, dans cette crevasse naturelle vidée de son eau, silencieuse comme une scène en attente de ses acteurs. Son mari avait capturé l’instant — image précieuse d’un échange entre mots et vide, entre mémoire et pierre.

Hier, dimanche 20 juillet, j’ai échangé au téléphone avec un monsieur de Plastinord, à Pouembout. L’entreprise a été ravagée par les flammes durant la nuit de samedi. Désormais, quelques dizaines d’employés se retrouvent sur le carreau. On pense à ces couples, à ces familles frappées de plein fouet, sommés de se relever malgré tout. Et les auteurs de ces méfaits… Et le pays qui peine à se relever. Grands dieux !

J’ai proposé pour accompagner le vieux Maselo La césarienne (saisi du Net) — hommage en pensée à une maman de chez moi, disparue dans les brumes d’un passé lointain. On ne sait exactement quand, mais c’était bien avant les années 90. Je me souviens : lors de l’inhumation d’un ancien de la tribu sur nos terres à Hnatro, nous sommes tombés sur des ossements. Le squelette d’une femme, et au creux de son bassin, ceux d’un bébé. Une césarienne tragique. On a supposé qu’elle avait été enterrée ainsi après un accouchement difficile. Le temps, indifférent, a passé sur leurs corps, effacé leurs noms, mais non leur trace. Bonne lecture à vous de la vallée. Wws.

Dans la petite voiture de Maselo.

Maselo : Emélienne, je sais que ce conseil de classe a été difficile. Les remarques des professeurs étaient vraiment dures.

Émilienne : Oui, M. Maselo. Ils ont dit que ma fille est une vraie carne, qu’elle a un comportement inacceptable. Je ne sais plus quoi faire.

Maselo : Je comprends ta frustration. Mais tu sais, les enfants passent par des phases difficiles. Ça ne veut pas dire qu’elle est une mauvaise personne.

Émilienne : Mais les professeurs ont été si sévères. Ils disent qu’elle ne respecte pas les règles, qu’elle perturbe la classe.

Maselo : Parfois, les professeurs peuvent être un peu trop durs. Ils voient beaucoup d’élèves et peuvent perdre patience. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’espoir pour ta fille.

Emélienne : Je me sens tellement impuissante. J’ai essayé de lui parler, de la raisonner, mais rien ne change.

Maselo : Peut-être qu’elle traverse quelque chose de difficile. Parfois, les enfants expriment leur mal-être par des comportements perturbateurs.

Émilienne : Tu crois que c’est ça ? Que je devrais essayer de comprendre ce qui ne va pas plutôt que de la punir ?

Maselo : Oui, je pense que c’est une bonne idée. Parle-lui, essaie de comprendre ce qui la dérange. Montre-lui que tu es là pour elle, que tu la soutiens.

Émilienne : Mais si elle continue comme ça, elle risque d’être renvoyée de l’école. Que vais-je faire alors ?

Maselo : Ne pense pas au pire pour l’instant. Concentre-toi sur le présent. Essaie de créer un lien de confiance avec elle. Peut-être qu’elle a juste besoin de se sentir écoutée et comprise.

Émilienne : Tu as raison, M. Maselo. Je vais essayer de lui parler calmement, de comprendre ce qui ne va pas.

Maselo : Et n’oublie pas, tu n’es pas seule. Si tu as besoin de parler, je suis là. Nous trouverons une solution ensemble.

Émilienne : Merci, M. Maselo. Tes paroles me réconfortent. Je vais essayer de rester positive et de faire de mon mieux pour aider ma petite Paulette.

Maselo : C’est l’esprit, Emélienne. Avec de la patience et de l’amour, je suis sûr que tout ira mieux.

La césarienne

Nous devons la césarienne… à un pur désespoir !

L’année était 1500, et la femme d’un homme nommé Jacob Nufer, un castrateur de porcs, rencontrait de grandes difficultés pour accoucher.

Elle était en travail depuis plusieurs jours. Treize sages-femmes étaient venues l’aider, mais aucune n’avait réussi à faire naître le bébé.

Jacob, habitué à aider les animaux à mettre bas, décida de tenter de sauver sa femme. Grâce à son métier, il avait appris beaucoup et avait déjà réalisé des interventions similaires sur des animaux comme des porcs, des vaches, des chevaux, des chiens et des moutons.

À l’époque, les castrateurs de porcs pratiquaient parfois des césariennes sur les animaux lorsque la mère risquait de mourir, afin de sauver le bébé. Les sages-femmes connaissaient aussi cette méthode, mais au début des années 1500, les césariennes n’étaient autorisées que si la mère était déjà décédée.

Ce que nous faisons aujourd’hui – sauver la mère, même si le bébé risque de ne pas survivre – n’était pas permis à l’époque.

Jacob, à bout d’options et désespéré, obtint une permission spéciale des autorités pour réaliser la chirurgie sur sa femme, bien qu’elle soit encore en vie.

Avec une simple lame de rasoir, il pratiqua l’incision. Incroyablement, sa femme et leur bébé survécurent.

Encore plus extraordinaire : elle donna naissance à cinq autres enfants par voie naturelle par la suite, ce qui signifie que Jacob avait dû la recoudre avec une grande habileté.

Grâce à son courage, Jacob ne sauva pas seulement sa famille. Il ouvrit la voie aux césariennes modernes qui ont depuis sauvé des millions de vies.

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