Bozusë,
Balabio: Samedi, en allant à Nouméa, je me suis arrêté au marché de Bourail pour mon petit café matinal. J’ai tourné dans plusieurs stands et échangé avec les connaissances. Deux nems, une tasse de café moyen, une main de bananes et je suis reparti. Allais-je partir directement et boire dans la voiture? Dans le parking où j’étais garé, je fus abordé par un jeune qui était assis sous l’abri non loin de mon véhicule. Il me surprit en m’appelant ‘pépé, papie, grand-père’ je ne m’en souviens plus du vocable du champ lexical qui était sorti. C’était surprenant à entendre parce que malgré la soixantaine (fêtée y a quelque mois) je me considère toujours comme jeune. Entre parenthèses, la vieillesse est une classe que tout le monde dans la tradition kanak ne doit pas se l’octroyer. On n’est pas nécessairement vieux par son âge. Mais par le statut qu’on occupe dans une classe d’âge et dans la société en général. Je ne veux pas qu’on m’appelle comme cela et qu’on n’appelle pas M. Agopian le vieux ou hmihmi Kaudre, ou bien Qaeze Göi…
C’est dans la tête. J’avoue que cet attribut m’a vraiment très perturbé, heureusement que sous l’abri on était seul. Le jeunot et moi. Et avec son accent chantant et interjectif du Nord, il déroula son récit.
“Le vieux, tu sais, j’arrive de Nouméa. Je suis parti de Balabio lundi pour la grande marche du 1er mai en ville. Je suis parti tôt de l’îlot pour garer ma voiture (son bateau) sous le pont à Ouégoa (du seul fleuve calédonien le Diahot.) Au fait, je calculais le bus de Pouébo du matin. Et j’ai filé à Nouméa. Pour payer mon ticket, j’ai tué des cerfs et vendu du poisson. Après la marche de la journée, je suis reparti au péage pour commencer à faire du pouce (auto-stop.) Ça n’a pas marché. Tu sais le vieux, j’ai dormi à la station service de Moindou. J’ai déchiré
quelques cartons que j’ai ramassés par là pour me servir de natte. Je me suis étalé dessus. Mais il faisait trop froid. Au petit matin, j’ai repris mes affaires et je suis reparti. J’ai marché jusqu’à la sortie de la tribu de Kélé (à mon retour de Nouméa, j’ai mis le compteur de la voiture pour estimer la distance que le jeunot du Nord a parcouru à pied. Plus de 7kms) C’est un 4×4 qui m’a ramassé. Voilà, je suis ici et je cherche une occasion pour retourner chez moi. Tu sais le vieux, je ne sais pas quand est-ce que je vais arriver mais j’avais aussi besoin de sortir de chez moi. Ça fait presque sept ans que je n’ai pas mis mes pieds à Nouméa. (Je connais le papa de ce jeunot. Il vivait à Balabio sans jamais sortir et ce depuis 27ans. Une journée je suis allé chez lui dans son îlot. Il était avec son épouse originaire de la tribu de Bondé. Il s’appelait Thierry. Très cultivé en passant la plupart de son temps à écouter la radio et à ramasser des holothuries. Il avait aussi son élevage de bénitiers dans la petite baie côté Grande Terre. Il était au courant de tout ce qui se passait dans le monde. Le soir, il était en lien direct avec l’émission radiophonique du cousin René Molé. Quand il était malade, ou tout simplement pour renouveler des soins vaccin et autres pour sa santé quotidienne, un hélico venait avec un médecin pour l’ausculter sur place. J’ai appris beaucoup d’années après mon passage à l’îlot Balabio que le Robinson Crusoé à nous n’était plus de ce monde. Voilà pour la petite du papa du jeunot que j’ai rencontré dans le parking du marché de Bourail.) Je vais m’arrêtais là…J’ai aussi peur de vous ennuyer pour ce long week-end.
Pour accompagner le vieux Maselo, je vous propose, Il était une fois Paris soir du grand frère Belë Lalie. Bonne lecture à vous tous. Wws
Dans la petite voiture de Maselo
- Bonjour Mme Roselyne, où est ce que vous allez ?
- Au terrain municipal de Vook. Aujourd’hui, c’est l’entraînement des jeunes U11 du club Vook Olympik.
- Ah, j’oubliais. Mais ce matin, un papa qui travaille à l’usine me l’avait demandé. Je lui ai dit que l’entraînement allait plutôt s’effectuer la semaine prochaine.
- Ramène-moi à la tribu. Je viens d’y penser. Vous avez raison. Aujourd’hui, ils font du rugby sur le terrain du collège. Une première. J’ai envie que vous me rameniez vite. Je n’ai jamais vu des filles de chez nous jouer au rugby.
Il était une fois, PARISOIR
Il était une fois, PARISOIR un jeu de mots utilisé comme mode de communication entre jeunes filles et leurs petits amants.
Dans ce cadre, préservé et acculé au fond de la tribu de Igilan, se nichait l’internat de Hnaizianu où sont accueillies les jeunes filles venant des quatre coins de l’île.
Durant l’année scolaire, les monitra qui encadraient l’établissement se gardaient jalousement de l’éducation des pensionnaires et avaient pour mission de les préparer aux tâches ménagères et à devenir des femmes complètes et initiées à la vie. D’ailleurs, les grandes filles (adolescentes) étaient prétendantes à des demandes en mariage pendant leur scolarité.
Les garçons des villages environnants avaient l’habitude de rôder autour de la station et venir voir leurs petites copines ou bien simplement comme des roussettes se ruant sur les faux poivriers à la belle saison en quête de nourriture.
C’est un vrai parcours de combattants qu’ils se donnent pour rejoindre l’élue de leur cœur. Les plus téméraires devaient d’abord traverser en pleine nuit le cimetière. En se cachant derrière les paillotes qui servaient de dortoir, ils se parfumaient avec cette eau rare et très prisée des femmes, aux senteurs mélangées d’essences de fruits et de santal, en attendant patiemment la venue de leurs bienaimées. De leur côté, les grandes filles se donnèrent le nom de code « PARISOIR » aux fillettes qui jouaient le rôle de « Waea, conductrice ou complice.» Dès qu’elles sentaient l’odeur du parfum, elles s’empressaient de chuchoter « PARISOIR » pour signaler à leurs aînées la présence de leurs amants au lieu de rendez-vous ! Attention, gare à celles qui se font choper car au moment du « Ithösidrai » (réunion de vie de groupe), les règlements de compte ne pardonnent pas. Mais c’est une autre histoire.
Depuis ce temps, à cause de cette aventure, cette génération prénomma cet établissement le pseudonyme de « PARISOIR » Pour ces jeunes pensionnaires de Hnaizianu, Soir de Paris représente plus qu’un parfum, il incarne cette subtilité entre l’esprit sauvage de la nuit et la magie de cette flamme d’amour qu’elles attendent frivolement de leurs conquêtes nocturnes à l’abri des regards agressifs des Monitra.
Belë LALIE












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