La représentation de l’argent dans la coutume Kanak

Aujourd’hui, l’être humain l’utilise pour vivre, en effet, l’Homme a construit un système de société qui dépend de ce “matériel” pourtant différent de l’air, du sang, de l’énergie ou encore de l’amour.
L’argent sert principalement à posséder des choses ou à investir dans diverses actions.
L’Homme n’est pas une chose ou une action, en principe…

L’argent est donc un symbole d’échange que les pratiques humaines malveillantes ont perverti.
Dans ce monde, l’argent est sacralisé et appartient alors à une construction idéologique qui catégorise les individus.

Un jour, un vieux me demanda : “Avons nous besoin d’argent pour exister ou c’est l’argent qui a besoin de nous pour exister ?”

La valeur de l’argent est alors celle qu’on lui donne, dis comme cela, ça paraît simple…

Comment l’argent se matérialise dans la coutume Kanak ?

1. Dans le passé, nos vieux utilisaient ce qu’on appelle la “monnaie kanak”. Cet objet a une valeur immatérielle et symbolique.
Cependant, aujourd’hui nous assistons de plus en plus à des cérémonies coutumières à l’image de galas caritatifs où l’argent circule à outrance.
Dans certains cas, des personnes s’endettent même pour remplir leurs obligations coutumières.
Or, la pertinence d’un événement ne se juge pas à l’argent amassé puisque ce ne sont pas ces billets qui lient le geste coutumier, ainsi l’intérêt économique biaise parfois les travaux coutumiers.

L’utilisation de l’argent est-elle révélatrice de certaines nouvelles croyances dans le monde coutumier ?

Par exemple, le rôle des oncles utérins est certes important mais de là à leur verser un jackpot, quel est le sens de ce geste ? Son rôle ne peut pas être valorisé qu’avec de l’argent en abondance.
Se faire payer pour un statut mais quelle est la valeur du travail de l’oncle utérin ?
Avec ou sans argent, ce dernier doit normalement être présent dans la vie de l’enfant.
De plus en plus, son rôle est sacralisé donc on le valorise avec du sacré, de l’argent a priori…

Il est temps de faire preuve de bon sens et de justesse et d’arrêter de faire la coutume “juste pour dire” et délaisser le sens même de ces pratiques ancestrales.

Qu’est-ce que j’entends par “sens” de la coutume ?

  • Remercier les esprits dans les éléments naturels qui nous entourent
  • Dire que c’est avec humilité qu’on prend la parole, oui mais c’est encore mieux d’appliquer ce concept dans sa vie en entier
  • Rappeler pourquoi on fait ce geste (liens claniques, amicaux, autres…)
  • Faire avec le coeur
  • Adapter son discours à l’auditoire

La coutume n’est pas une obligation mais un état d’esprit qui s’adapte au fil du temps en gardant son socle de valeurs qui est le pilier censé porter l’individu. Le porter vers son “MOI” pour être “NOUS”, pour faire vivre une seule cohérence : l’alignement entre ÊTRE et FAIRE.

2. Par ailleurs, lorsque tu gagnes de l’argent, que tu as un bon poste, une présomption de “débiteur naturel” pèse sur toi au nom du fait que “c’est comme ça”. Et oui, tu deviens une banque qui donne sauf que là, il n’y a pas de conditions de prêt.

Tu peux d’ailleurs être mal vu car tu gagnes bien ta vie.

Et une opposition constante plane toujours dans le monde coutumier : “champs d’ignames” vs “ autre travail”.
Cependant, nos ancêtres savent qu’hier n’est pas aujourd’hui, on ne peut pas faire de retour en arrière donc autant utiliser les outils et créer des complémentarités, où chacun donne ce qu’il peut, en conscience et pas parce qu’il se sent obligé.

La coutume est circulaire, tu donnes, tu reçois, tu donnes, tu reçois… matériellement parlant ou pas.
Et pour que le système soit le plus performant, il faut que chacun joue le jeu, à son échelle mais sincèrement.

3. En outre, un Kanak qui a de l’argent n’a pas forcément un statut coutumier important.
Toutefois, on voit progressivement que ces gens ont une certaine influence car ils détiennent un matériel qu’on sacralise.

On te respecte car tu as de l’argent, comment nomme-t-on cette forme de respect ?

Sauf que l’échiquier coutumier est régi par des règles garantes d’une stabilité donc ils n’ont pas à être valorisés coutumièrement seulement parce qu’ils ont de l’argent.
La phrase “Chacun reste à sa place” n’est pas réductrice comme on essaie de nous faire croire avec des idéologies individualistes et soit disant universelles.
Elle signifie que chacun à un rôle et c’est le libre arbitre au final qui choisit.
Mais on ne vient pas s’inventer un passeport dans un monde où nous n’avons pas l’accès autorisé, même par ses propres grands-pères… Le destin se chargera d’eux et malheureusement leur descendance en pâtira.

Le Kanak n’est pas enfermé dans la coutume car c’est lui qui l’a créée donc à lui de la faire évoluer et d’adapter les places et les pratiques si besoin.

Ainsi, l’argent influence beaucoup les rapports coutumiers, à nous de prendre ses avantages et de façonner son apport à l’Esprit de notre coutume. L’argent est avant tout une énergie, c’est à dire que tout dépend de ce qu’on en fait, comme le pouvoir.
Ce sont aux vraies autorités coutumières de mettre le holà et de freiner cette course à la coutume de l’argent et au folklore.

Le 02/04/2025 à Nouméa

Un article à lire si le sujet vous intéresse : « Transactions monétaires en pays Kanak » par Elsa Faugère

Un commentaire sur “La représentation de l’argent dans la coutume Kanak

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  1. L’argent n’est pas gage de bonne moralité et cette confusion est hélas prépondérante dans le monde occidental où seules les personnes riches sont honorées et tant pis si elles sont malhonnêtes, ont des déviances sexuelles, maltraitent leurs familles, etc…

    La richesse est et restera les valeurs morales. Merci pour cette très belle réflexion.

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