Nuelasin n°159 – 17 novembre 2023

Bozusë.

Kobi: Je profite pour publier le texte de Kobi dans le Nuelasin 159. Au fait, la demande m’avait été faite par un autre prof. Il m’avait demandé si j’avais la copie du chant. Après que je lui eus envoyé, il me demande le chant (audio) Étant lecteur du petit journal, j’ai directement fait la demande à l’auteur compositeur. Il n’a pas mis du temps pour me l’envoyer. Ce morceau est sorti au début des années 80. La pochette de la cassette de l’époque montrait Kobi en train de porter la portière d’une voiture. Une 4L, me semble-t-il. Très original! Un morceau qui avait eu beaucoup de succès. Souvenir.

Qeu i haö. Couper l’herbe. Lundi, en revenant de mon cours vers le soir, je vis Mme Kyo en train de nettoyer le bord de la route devant chez elle. Cela fit tilt dans ma tête. Et pourquoi ne désherbait-elle pas à la machine, comme de coutume. Comme de coutume est un mot à la mode. Ben tout le monde de nos jours, tonde le gazon à la machine. Il est plutôt étonnant voire bizarre qu’une personne se sert de son coupe-coupe pour cet usage. À la maison, nous avons une débroussailleuse à lui prêter mais Mme Kyo, elle en a une aussi. C’est aussi son frère ou Mme Jeanine qui habituellement vient chaque mois s’affranchir de cette corvée chez elle. Ah! Mais j’oubliais le détail qui, me semble-t-il, est énorme. La dame est de la génération de plus de la soixantaine. C’est-à-dire le genre qui ne peut pas rester sans bouger comme on dit. Il faut tout le temps qu’elle fasse une activité. De repos, jamais. A moins qu’elle dorme. Mais elle a quelque chose dans le sang qui la maintient en effervescence. Elle n’est pas une fourmi mais quand même. Quand j’ai vu la dame courber l’échine et s’atteler à la tâche, ma pensée est de suite allée vers les années de mon enfance. Une discussion entre Inane-qatr, la maman de Caalo et ma grande sœur au sujet de la pelouse de la grande chefferie de Mou que les sujets doivent tondre pour faire allégeance. Inane-qatr a dit pour son clan qu’ils doivent désherber leur parcelle à la main. C’était ce qu’elle fit tout le temps de sa jeunesse. Mais après, la jeune génération a fini par imiter le monde. Des gens du monde qui ont adopté le progrès. Ainsi les hommes et les femmes de Hunöj, quand ils vont à Mou pour le qeu i haö, ils y vont avec tout l’attirail technologique des temps modernes. Des ‘débrous’ comme ils nomment les débroussailleuses. D’autres viennent avec des autoportées. Ils signent des contrats avec tiers pour tondre leur parcelle. On gagne du temps, le travail est peut-être mieux fait mais on a fini par tuer le lien, le contact humain et la chaleur de l’humanité.

Ci-après pour accompagner le vieux Maselo, un extrait d’une de mes nouvelles Simano où lors d’un qeu i haö une dame a demandé la main d’une fille en mariage pour un vieux de la tribu. Je me suis inspiré de ce fait réel.

Bonne lecture à vous de la vallée. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

  • Bonsoir M. Maselo, vous ici ? C’est plutôt rare. Quel vent vous amène ?
  • Bonsoir, Mme Esther. Je vous amène une dame. Elle voulait des ignames. Quelqu’un de Nouméa m’a appelé pour dire que vous vendiez des plants.
  • Mais M. Maselo, je n’ai pas de plants. Je viens de tirer d’autres ignames dans le courant de l’après-midi. Ce sont des ignames de coutume. Elles sont plutôt bonnes pour manger.
  • Mais c’est ce qu’il faut. Ce sont des gens de Lifou qui vont pour une coutume de mariage dans l’autre côte.
  • Vous tombez bien, je vous donne le même prix que je fais à tout le monde. 600frs/kg
  • Ça m’arrange. Merci beaucoup, je vous règle demain.
  • Vous êtes toujours le bienvenu M. Maselo. Bonne soirée à vous.

Extrait de Simano: Ce jour-là, Soletë, en compagnie d’autres femmes de la tribu, était à Mou pour tondre la parcelle de son clan.

A l’heure de la pause matinale, toutes les femmes se regroupèrent sous l’arbre à pain pour casser la croûte. Enga, vieille fille d’une quarantaine d’années, proche des clans de la chefferie, apporta du café et une boisson rafraîchissante.

Lorsqu’elle tendit le geste coutumier qui accompagnait ses dons respectueux et qui réclamait une parole, Soletë se leva :

« Ma petite sœur Enga, je remercierai ton geste après parce que j’ai une pensée. Je vais emprunter un détour. C’est pour te jeter une parole. Ma parole. Là-haut, à la tribu, Jeamenu, un vieux garçon est venu à la maison pour se plaindre de son sort. Il voulait prendre femme. C’était il y a deux ans. Il est revenu une ou deux fois après. Hier, j’ai été réveillée par mon vieux. Il m’a dit d’aller chercher Jeamenu. Mon vieux avait envie de lui parler. J’ai envoyé le petit Wenek pour le chercher mais il ne l’a pas trouvé. Il souhaitait savoir si Jeamenu désirait vraiment se marier. Voilà, c’était ma parole et je prends les autres femmes à témoin. Je te dis que je veux te réserver pour que tu deviennes son épouse. Je ne vais pas aller par quatre chemins ni demander ton avis. A mon retour d’ici, je rendrai compte à mon mari. Après, j’irai rencontrer le grand frère de Jeamenu, le vieux Simano pour lui dire que j’ai déjà une idée au sujet de l’épouse de son petit frère et qu’il faut maintenant bouger pour son mariage. Il importe peu qu’il soit d’accord ou pas, j’engage mon vieux et mon clan pour assumer le mariage. Son célibat n’a que trop duré. Si les gens de son clan ne sont pas capables de le marier, hé bien nous, on le sera. Simano voit bien que son petit frère est déjà vieux, et il ne fait rien. Leur chef de clan non plus ne bouge pas. Jeamenu, il arrive de Hnacaöm, avant c’était Jokin. On avait aussi entendu qu’il avait vécu dans d’autres tribus du Wetr. Cela suffit. Et, ce que je te dis là, est officiel. Nous reviendrons dans la semaine pour voir tes deux vieux à la maison. C’est tout. Oleti. Seraï, allez, sers-moi un peu de la boisson fraîche, j’ai soif. »

– Soletë, mais tu veux toujours manger ou boire ! Tu n’as pas remercié le geste que voici ! s’exclama Watrane.

– Aï, c’est vrai, Watrane, tu n’as qu’à remercier. J’ai déjà assez parlé. En plus, j’ai oublié que Enga était venue avec son geste pour nous apporter le rafraîchissement.

Le groupe de femmes se mit à rire.

L’atmosphère se détendit.

Toutes étaient surprises par les paroles de la vieille Soletë. Enga n’avait même pas ouvert la bouche.

Elle était assise non loin du tronc de l’arbre à pain, sur une grosse racine.

Elle fixait le sol et se morfondait.

Ramassait des brins d’herbe pour les porter à sa bouche.

Les mâchouillait en laissant aller sa pensée.

A la manière d’une poule, elle ratissait le sol à portée de ses doigts à la recherche d’on ne sait quoi.

Il fallait bien tuer le temps !

Soletë se surprenait souvent à trop parler. En réalité, elle débitait son monologue d’entremetteuse. Seule l’envie de boire une citronnade pouvait l’arrêter. Madame Soletë avait déjà marié beaucoup de filles. A la fin, elle obtenait toujours son propre satisfecit.

La plupart des nouveaux couples étaient composés de vieilles filles et de vieux garçons.

La réponse de Enga importait peu.

Si la demande était déboutée, Soletë dirait qu’elle avait accompli son devoir. Un devoir que les gens du clan de ce vieux garçon n’avaient pas été capables d’assumer. Et, pour un autre vieux garçon, elle serait toujours prête à dérouler ce genre de propos aux quatre vents. Hnacipan Léopold

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