Nuelasin n°132 – 14 avril 2023

Bozusë, ce matin alors que j’étais en train de prendre mon petit déjeuner, ma fille entra et me dit qu’elle venait d’avoir ses 15ans. Elle me dit ensuite que la fête d’anniversaire, ce n’est pas pour célébrer l’année qui va suivre mais pour dire que nous avons eu notre âge révolu. Je l’ai félicitée et je sais qu’elle a eu beaucoup d’appels du genre sur son portable. En ce moment d’écriture, Vali est à la bibliothèque municipale de Voh. Elle est en train de bûcher son exercice d’anglais avec une fille de sa classe. Je l’ai amenée après avoir fait un détour dans un magasin du village. Je cherche ce que je vais lui offrir comme cadeau.

Les deux textes qui suivent, sont des ébauches de mes prochaines nouvelles. Je viens juste de les commencer.

Pour finir, je félicite les nouvelles lectrices et nouveaux lecteurs de Nuelasin. Vous êtes maintenant au nombre de 443. Bonne lecture à vous avec ma forte pensée à la dame que j’ai rencontrée dans une grande surface à Koné avec ses yaourts dans un carton. Elle me dit que c’est pour sa flore intestinale. Je l’embrasse.

Bonne lecture à vous de Nouville chez mon frère.

Wws

Dans la petite voiture de Maselo

  • Qu’est ce que c’est, me dites-vous Mme Réa ?
  • Oh ! La vieille école. M. Maselo.
  • Bien pour être vieille, j’insiste qu’elle est bien vieille Mme Réa. Je viens toujours au collège de Tiéta mais jamais je n’ai mis mon pied dans l’enceinte de l’établissement.
  • Maintenant vous avez vu ce que les gens de la tribu appellent la vieille école.
  • Oui. Elle est bien vieille. Les tôles sont plutôt bien rouillées et les murs sont presque penchés. Ils vont lâcher d’un moment à un autre.
  • Le directeur a donné un geste au chef de la tribu pour que les hommes la démolissent.
  • Vous savez Mme Réa, cette maison représente vraiment un danger pour les collégiens. Vous savez il y a deux ans un garçon terrible originaire des îles du nord, s’était caché dedans avant de s’en aller dans les brousses. Au milieu de la nuit… pff!
  • M. Maselo, c’est mon père et les vieux de son époque qui ont construit la maison. Moi, j’étais encore très jeune. Aujourd’hui, j’ai plus de quatre-vingts ans.
  • Mon Dieu. Respect à vous Gué Réa.

Chasser la roussette

  • Tyra, avez-vous rencontré des personnes sur votre chemin ?
  • Le couple Selima Maselo.
  • Tu as gagné. Hnamec. Et plus personne ne parla. Certaines d’entre les personnes riaient sous cape et d’autres continuaient à creuser l’igname avec l’aide d’une lampe qui n’éclairait plus le fond du trou. L’excavation avait commencé le matin vers neuf heures. Les deux jeunes s’entendirent pour donner leur lampe préfabriquée pour continuer le travail. Il était déjà vingt-deux heures. L’arrivée des deux jeunes apporta du sang neuf à l’équipe qui se surpassa. L’igname fuyait toujours vers les entrailles de la terre. C’était de nouveau le travail et les ardeurs de la journée qu’ils retrouvaient avec le faisceau de l’anti-brouillard. « Et vous vouliez partir à la chasse aux roussettes avec ça ? Tyra, l’anti suffit. La roussette ne bougera pas. Vous n’avez plus qu’à bien la viser. Quelle belle idée mais attention, la batterie est superbement lourde. » Les deux jeunes chasseurs se gardaient de ne pas parler de la tige de bois avec l’hameçon qu’ils avaient laissée dans les brousses. Au cas où la chasse serait bonne, certaines personnes n’hésiteraient pas à leur demander de chasser aussi pour elles. Le travail reprit dans la joie et la bonne humeur. Les chasseurs se laissèrent gagner par l’ambiance. Ce soir-là, les roussettes ne furent pas dérangées dans leur ripaille sur les fruits oblongs de pandanus. Du champ du vieux Oko-qatr, l’équipe excavatrice pouvait entendre leur « koki-à-la-koki » dans le noir.

Le Kava des aveux

Sous le manguier de chez Wae les hommes d’un certain âge s’y regroupent toujours pour que les cuisiniers de circonstance, dans leurs baraques préfabriquées, aient de l’espace pour travailler et mettre la main sur les besoins de la tribu comme le mariage ou le travail de la paroisse à Eika. C’est alors que se déclenchent des grands moments de discussion et des parties de rigolades. A en exploser de rire.

Madue : ah bon, et le neveu est parti payer le courant ?

Acici : ben oui. C’est sa belle fille qui a appelé son épouse. Elle a refusé mais c’est quand Mariella a parlé à son mari qu’il a réagi disant qu’il ne fallait pas lui refuser.

Köfö : Voilà pourquoi, on l’a croisé hier vers Traput. Il allait à Wé pour régler la facture.

Madue : T’as raison. Mais moi, je n’avais pas réagi. Le neveu conduisait une autre voiture. Et le chef de bord, on dirait que ce n’était pas Mariella.

Tout le monde rit. Bien sûr que l’oncle n’était pas au courant que son neveu filait une relation avec la maîtresse de l’école.

Gopë : Madue, ton neveu joue le lézard.

Madue, la tête un peu penchée, réfléchit un moment : Je vois. Mais il va m’entendre. Voyez-vous, pendant le deuil du vieux Mango, je les ai vus ensemble. Le neveu est toujours d’un naturel irréprochable. Il me disait qu’il était allé au quai pour récupérer la maîtresse avec les affaires de l’école.

Gopë : Dans la culotte oui… mais ça, Robert tire bien de ses oncles.

Madue : Non petit frère. Ça, c’est le clan et les hommes sont tous comme ça. Son père, ben il est mort mais il ne vivait plus avec ma sœur. Le grand-père…

Hnako : Euh… Madue, Gopë et les autres vieux, on vous demande là-bas à la cuisine pour remercier le qëmek de Holakan. C’est le mari de la maîtresse. Ils viennent apporter leur coutume. C’est aussi la participation de l’école comme d’habitude. On a besoin d’un vieux.

Madue : Mais les autres là-bas, ne peuvent-ils pas remercier ? Je vois Hnime…

Hnako : Justement, c’est lui qui m’a dit de venir vous voir. Il t’a vu.

Madue : Gopë, va porter notre parole.

Gopë étant plus jeune reçoit cela comme une obligation. Et comme un automate, se lève et dit à Hnako de le suivre. En chemin, il lui murmure qu’il se sentait mal à l’aise. Il cherchait les paroles de remerciement. Il suait à sang.

Image by Ryan McGuire from Pixabay

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