S’il est un point qui a attisé les problèmes en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, c’est bel et bien la communication, la façon de s’exprimer. Les intentions ne sont pas les mêmes côté européen et côté océanien.
2 définitions, 2 intentions
Pour commencer, rappelons-nous la définition de la communication : il s’agit d’une action, le fait de communiquer, de transmettre quelque chose ; quand l’action de communiquer est avec une personne, il s’agit d’être en rapport avec autrui, en général par le langage. Il est question là d’échange verbal entre un locuteur et un interlocuteur. La communication est également l’action de mettre en relation, en liaison, en contact des choses, des individus. Dans le monde océanien, lorsqu’on parle de communication, c’est cette définition qui est comprise et utilisée.
Dans le monde européen et occidental en général, la communication est avant tout une technique commerciale dans le but de gagner plus d’argent, d’améliorer son image de marque, de créer une relation de confiance avec son public, sa clientèle, son électorat. Des stratégies sont élaborées, la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) est largement utilisée. Une bonne stratégie de communication permet de structurer et coordonner les différentes actions ou supports qui seront mis en œuvre et d’avoir, en amont, une vision globale de l’ensemble des actions déployées sur l’année (presse, publicité, site internet, etc…). Aujourd’hui, au niveau européen, occidental, lorsqu’on parle de communication, c’est cette définition qui est comprise et utilisée.
Et c’est là que le bas blesse parce qu’au-delà de la langue française utilisée c’est la façon de communiquer qui est totalement différente.
Les premiers vont se concentrer sur l’intention, la pensée avant la parole car la justesse des mots a un impact considérable. Ils gardent en mémoire qu’ « Au commencement était le Verbe ». Les seconds vont chercher avant tout à bien se faire voir, à parler avec mesure (aujourd’hui, on dit nuance) ou diplomatie pour paraître cultivé et civilisé aux yeux d’un public ; il s’agit uniquement d’une stratégie commerciale pour « bien se faire voir ».
La communication non violente (CNV) vs Paroles de la coutume kanak
Selon Marshall Rosenberg, qui a formalisé la CNV, « La Communication Nonviolente, c’est la combinaison d’un langage, d’une façon de penser, d’un savoir-faire en communication et de moyens d’influence qui servent le désir de faire trois choses : se libérer du conditionnement culturel qui est en discordance avec la manière dont je veux vivre ma vie ; acquérir le pouvoir de me mettre en lien avec moi-même et autrui d’une façon qui me permette de donner naturellement à partir de mon cœur ; acquérir le pouvoir de créer des structures qui soutiennent cette façon de donner. »
Dans la « coutume » kanak, la parole est d’abord la parole spirituelle et sacrée née de l’Ancêtre et qui arrive dans le visible avec la mission première d’organiser l’espace et d’établir des relations. C’est aussi elle qui fait naître en soi la conscience d’exister et d’occuper un espace défini (https://denc.gouv.nc/sites/default/files/documents/fiche_lck_la_parole_v2.pdf). Elle est « issue de l’Esprit de l’ancêtre et de la Coutume (et) est sacrée. Elle sanctifie et nourrit les étapes de la vie d’une personne ainsi que les relations socioculturelles entre les composantes de la société kanak et entre celles-ci et la nature. La parole délivrée lors d’un geste coutumier lui donne un sens et un contenu » (source : la charte du peuple Kanak).
Ces deux façons de communiquer sont tellement proches que Guillaume Vama, lors de son stage auprès de Monsieur Thomas d’Ansembourg en 2023, n’a pu s’empêcher de faire remarquer à l’ensemble des stagiaires et formateurs que la société civile kanak maniait depuis toujours la CNV.
Savoir-être vs savoir-vivre
C’est au 18ème siècle que fut publié pour la première fois en France un guide à l’usage des citoyens pour une meilleure civilité. Au fil du temps, ce guide deviendra le guide du savoir-vivre. Ce dernier établit des règles dites de bienséance, de bonnes manières, d’étiquettes, etc… Dans ce guide, il n’est pas demandé aux personnes de penser ce qu’elles font, de mettre une intention juste et honnête mais de le faire. Il est tout à fait possible d’avoir de « belles manières » en société et d’être un monstre en famille, ou d’être la personne la plus hypocrite ou raciste qui soit, dans son intimité. Tant que cela ne se dit pas en public…
Le savoir-être est un ensemble de qualités personnelles, d’habiletés sociales correspondant à la capacité de produire des actions et des réactions adaptées à l’environnement humain et écologique. Il est nécessaire à l’autonomie, au partage avec les autres et à une vie affective riche.
Le savoir-être est primordial dans la culture Kanak. L’Humain est au centre de la société, de l’arbre généalogique. L’être humain se définit par rapport à son environnement familial mais aussi par son environnement écologique (terre, mer). Ce savoir-être est un des fondamentaux de la société kanak. Chacun est reconnu pour ses compétences, son nom, son lieu de naissance et son évolution spirituelle. Chacun a sa place.
Conclusion
Dans ce contexte, le niveau de communication n’est pas le même et on distingue 2 mondes diamétralement opposés.
Le premier a pour principe fondamental Le Verbe (« Au commencement était le Verbe »), la parole est au centre de la coutume et est primordiale. Elle se doit d’être juste. Dans le deuxième, la communication n’est qu’un outil de commercialisation, de pouvoir.
La pratique juste de la parole permet aux premiers de comprendre la manipulation des seconds par la parole, de mesurer leurs intentions et de faire la différence entre sincérité et hypocrisie. Avec bienveillance le plus souvent : on laisse parler parce qu’on a compris qu’en face ils ne parlent pas sincèrement mais plutôt superficiellement. On prend mesure de leur niveau d’évolution. En revanche, pousser le bouchon trop loin peut fortement agacer les premiers et crée sans aucune équivoque un langage de sourds.












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