Bozu.
Adieu : J’ai beaucoup de pensées pour nos chers disparus. Y en a un vers qui ma pensée s’alourdit plus. Quelqu’un de la tribu de Jokin. La semaine passée, j’ai vu des photos où il était chez lui en train de remettre la barrière de la grande chefferie Kahlemu. Un homme dynamique. Il était l’un des premiers lecteurs de Nuelasin. Je lui dédie ce numéro. Adieu Johny W.
Jeudi : je poste le journal aujourd’hui parce que je vais disparaître dans le nord de la Calédonie. J’accompagne mon épouse (monitrice de l’école du dimanche.) C’est dans l’îlot Fayot que les enfants vont passer les trois jours de ce long week-end. Un peu de repos. Je vais faire de la chasse sous-marine pour attraper un cachalot. Hahaéèéè !!!
Dans la petite voiture de Maselo
- Bonjour Mme Ginette. Je n’ai pas arrêté de penser à vous. La semaine dernière, j’ai raconté l’histoire du papa qui en jetant l’épervier s’est retrouvé dans l’eau.
- Au fait, j’en ai une autre Mr Maselo, et ça, c’est moi qui suis dans la scène. C’était samedi soir que je suis allé avertir pasteur qu’un voleur était passé dans son champ pour creuser ses ignames. Sûrement qu’en me voyant la personne a pris peur et s’est sauvée. Voyez ! Arrivée à la maison, j’ai dit à Joseph de m’emmener chez Nata. Il me raconta la scène. Il creusait son champ d’ignames la tête tournée vers la rivière et d’un seul coup, il pensa très fort au python de Tiéta. Il se leva subitement, abandonna tout sur place et se sauva.
- Haha! Mais c’est quoi ce pasteur ?
- Ben, il n’a pas cherché à comprendre. La barre à mine et tout le reste était sur le coté en tas. Il a rejoint sa voiture et d’un trait, il est parti. Je ris en ce moment, parce je me suis fait mal en pensant que des personnes avaient tenté de voler les ignames de pasteur…
Extrait de De séduction en séduction de Léopold Hnacipan 2015. Bonne lecture. Wws
De retour, chez ses parents, la troupe se faisait plus bruyant. Esther avait ‘accepté’ leur coutume. Panue ne parlait plus, il pleurait. Chaque homme de cette troupe tour à tour s’embrasait en embrassant la future femelle qui allait perpétuer la race de la horde de méchants du plateau. On se congratulait, on pleurait. Tous oubliaient les nuits blanches de tractations à courir pour laver l’affront d’une fille de la veille. Rodolphe ne réalisait pas ce qu’il vivait cette nuit-là. Il s’était levé pour embrasser Esther sur ordre de Panue et il était rentré à nouveau dans son mutisme. Il allait devenir enfin un être entier. Son statut allait changer. Il était passé de la catégorie des jeunes à celle des gens respectables : Les vrais hommes. Désormais ses prises de position pendant les cérémonies coutumières allaient avoir un poids. Il devenait ainsi par son statut un maillon de la parole kanak qui remonte le temps vers les temps immémoriaux.
La tribu de Hunöj fut réveillée par les klaxons, les chants et les cris des marieurs. Quatre heures. Quelques personnes étaient sorties des cases pour s’enquérir des nouvelles. « Esther de Siloam, du clan des portiers de la chefferie du Wetr. Quatorze ans seulement. » Chez Rodolphe, le père n’avait pas fermé l’œil depuis que le groupe était parti. Il veillait. De temps à autre il réveillait son épouse pour prier. Il fallait accompagner le groupe et Rodolphe dans la pensée.
« Mariella, réveille-toi. Écoute, le groupe est de retour. » La maman de Rodolphe sortit de la case pour réchauffer le thé. « Prépare les pièces et les tissus et fais de la place pour les autres. » Walei se leva pour pousser les bûches dans le foyer pour faire repartir le feu. Le vieux Sipoisi qui est aussi du clan, se réveilla. Il était venu là, pour veiller avec les parents de Rodolphe. Il faut se supporter. Accepter de toujours regarder l’autre dans les yeux, quel que soit la teneur du verdict.
« Sipoisi, voici notre geste pour recevoir nos enfants. Ils sont de retour. Je te remets, tu diras la pensée de la maison et je te remercie aussi d’être à nos côtés. » Le vieux, qui s’était levé de sa couche, avait déjà saisi son sac à tabac en pandanus. En position tailleur, devant le feu, il sortit une bouteille de whisky qu’il tendit maintenant à Walei. « Voilà le fond de ma valise, pour compléter le geste de la maison. »
Deux bouteilles de whisky, trente mille francs, trois robe-mission et un tissu. C’était la coutume qui mettait fin aux veillées depuis des mois pour attendre le jugement de la Vie. Les klaxons avaient déjà empli la case d’une certaine fièvre que chacun essayait de contenir en soi.












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