Nuelasin n°98 – 29 juillet 2022

Bozusë,

Je vous propose ces petits textes ci-dessous pour accompagner Nuelasin 98. Bonne lecture et à vendredi prochain. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

  • Comment ça! Vous ne connaissez pas le collège de Tiéta!
  • Mais si Mr Maselo. Mais je ne le connaissais pas comme maintenant après cette course. Je suis toujours en train de penser au nouveau bâtiment qu’on nous a fait visiter.
  • Mme Régina. Haha! Sortez un peu de votre train-train. Tout de même, le collège ne va pas rester éternellement comme l’image que vous avez dans la tête.
  • Arrêtez Mr Maselo, voyez-vous! A l’époque la pente qui allait de l’école primaire là-bas et jusqu’à la guérite était bien visible et à la place du nouveau bâtiment, il y avait un grand banian et juste à côté, disons devant la nouvelle salle des profs, un bois noir. Un grand et…
  • Bein maintenant, tout a changé.
  • Houlala, mais moi, je n’ai pas vécu ça…
  • Oh! Je pense plutôt que vous ne venez pas si souvent au collège, si ça se trouve.
  • Sûrement, vous avez raison M. Maselo… mais je ne suis pas la seule maman comme cela…

Profession écrivain

L’autre jour, j’allais à Koné et à la radio se déroulait l’interview d’une nageuse professionnelle qui a fait la rencontre de son petit ami qui après était devenu son époux. J’avais tellement aimé l’émission que je voulus reprendre la conversation dans mes écrits. Bien évidemment, je voulais me mettre dans la peau de la nageuse pour être au plus près de l’affect. Avais-je pensé. « Au début, ce n’était pas sérieux. On se rencontrait à la piscine pour nos entraînements, les jours où nous n’avions pas de cours. Nous n’étions pas dans le même bahut mais nos séances de natation tombaient aux mêmes heures. On se voyait alors mais on ne se parlait pas. On restait même très distant. Dans ses allées et venues dans la longueur du bassin, il m’arrivait de le suivre du bord. Je le zieutais. Des regards volés qui me brûlaient le cœur. Et au sortir de l’eau, je le suivais des yeux toujours à la sauvette. J’admirais ce corps marcher et perler au soleil. Mais j’avais aussi honte de moi parce qu’au fond, je tombais amoureuse de lui mais comment le lui dire. Un jour, le hasard nous conduisit à nager côte à côte et remonter ensemble pour nous asseoir au bord de la piscine avec les pieds dans l’eau. Mon cœur battait la chamade. Jules à mes côtés me glissa à l’oreille qu’il avait des sentiments à mon égard. Je ne cherchai pas à réfléchir. Les tergiversations n’ont que trop duré. Je plongeai dans ses bras et on s’emb… » Ce passage, je le déteste, un peu jaloux… je le dédie à la journaliste qui est venue m’interviewer. Alors Mme Z. O. voyez, je n’ai toujours pas réussi/envie d’écrire le vocable de la fin. Ehaéèéè ! Je vais plutôt réitérer ma demande, que je recherchais une homosexuelle kanak (ou plusieurs) pour exercer ma plume sur elle(s). L’appel est lancé… vous avez mon contact.

Un jour

Un jour en allant faire des courses à Koné, en passant Xujo, à la sortie sud, je vis une dame traverser la chaussée. Elle allait vers la mer dans la mangrove rentrant dans une ornière. Elle poussait une brouette dans laquelle il y avait tout son arsenal pour la pêche aux crabes, j’en étais certain. Sa tête était comme enturbannée. Deux gros écouteurs lui étaient accrochés aux oreilles. Et tel un collier blanc qui remuait sa tête d’avant en arrière, madame suivait un rythme qu’elle s’était imposée à elle-même. Après que je l’eus passé, beaucoup de pensées vinrent se ficher dans mon crâne et perturbèrent quelque peu ma conduite. La logique veut qu’on tende l’oreille au silence pour épier le moindre bruit suspect du gibier. Zut!
Le vent du large arrivait par rafales et poussait mon véhicule vers le côté. Je décélérai et pourtant je ne roulais pas vite.
Le souvenir de mes grands frères qui revenaient de la pêche à Hunöj me revint en force. Peu après avoir passé Hnapapa Pierre, Hnaat, Wotra, Model Boro et le groupe allaient arriver à un banian de la convoitise des roussettes. Ils ralentirent la cadence et coupèrent leur conversation. Boro passa devant et courut pour être premier sous le banian tant convoité. Ce que voyant les autres hommes s’arrêtèrent. De là où ils étaient, ils regardèrent Boro chercher un volatile dans le branchage de l’arbre. Rien. Tous se mirent à rire. Boro dans la vie est un malentendant. Il était porteur du grand transistor qui soutenait leur marche de Mele jusqu’à la tribu. Mele, c’est le bord de mer de Hunöj et tous les jeunes devaient traverser la grande forêt pour rentrer à la maison. Ils étaient allés ramasser des crabes de cocotier et pêcher le poisson du haut des falaises. Boro ne se rendait pas compte que le transistor était ouvert plein volume. Il avait fait fuir toutes les roussettes pendues dans les branchages du banian. Tant mieux pour elles !
Plus près de moi, c’était l’année dernière. Nous étions allés à Atéou pour la fête religieuse du May (au mois de mai.) Alors que nous étions à table, enfin nous les hommes, arrivèrent Samuel et sa maman. Samuel portait des balais et des serpillières et la maman des seaux et des produits de ménage. Ils allèrent droit vers la grande salle où se tenait le rassemblement pour la prière. Ce récit de vie marqua indubitablement un vieil homme qui invita l’assemblée à suivre la maman et son fils des yeux. La famille ne remarquait pas l’attention de tout le monde qui la suivait des yeux jusqu’à ce qu’elle soit arrivée dans la salle de travail. Là-bas, mère et fils commencèrent à faire le ménage en vidant les poubelles et en ramassant les détritus qui jonchaient le sol, ça et là et, quelques filles qui étaient déjà dans le hall se joignirent à eux. Ils finirent leur besogne sans que Adrien ne levât le petit doigt pour leur donner la main. Il était au milieu de quelques filles assis-en rond dans la cour, absorbé par sa musique dans les deux casques accrochés aux oreilles. « Tchaouuu! » Et tous se tournèrent vers le père du jeunot : » Tu fais quoi là, tu vois pas la vieille qui balaie là-bas ? Va vite prendre sa place où je vais casser tes écouteurs. » Le petit décrocha machinalement son casque et courut aussitôt rejoindre la grand-mère dans le hall, le groupe des filles aussi. Il y avait de la force et de la détermination dans la voix. L’éducation.
Le lendemain lundi à la classe, à l’heure de manger, je fis sortir les élèves mais je retins Adrien. Je revins alors sur ce qui s’était passé la veille à Atéou. « Oui monsieur, papa était très fâché après moi parce que j’avais un casque H.S à l’oreille et je n’écoutais pas de la musique ni même les filles autour de moi, je ne leur parlais pas. Alors, je n’ai pas vu la grand-mère passer devant ni le monsieur qui allait balayer la salle de réunion. Le monsieur est le professeur d’université de Koné. Mon papa me l’a dit. La grand-mère avec lui, c’est sa maman. Papa m’a dit de retenir cette grande leçon d’humilité. À la maison, papa est toujours fâché après nous parce que nous ne l’écoutons pas à cause de la musique, des tablettes ou bien des téléphones portables de mes grandes sœurs. Une fois, ma sœur a voulu se suicider parce que papa était à bout. Il a pris la tablette et l’a jetée contre le mur … mille morceaux. C’est maman qui a bien parlé avec Ginette… »
Je ne parlais pas, je fixais seulement mon élève parce qu’il faisait ce que font des milliers d’enfants du pays et du monde. Je pensais aussi à mon fils qui est accro aux jeux et à internet.
Que penser maintenant de la dame qui avait traversé pour aller de l’autre côté de la route en allant dans la mangrove ? Lawi-qatr, le grand chasseur de Hunöj est sûrement en train de tourner mille fois dans sa tombe. Nenë Cingön…

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