FRERES INDIGENES DE LA GRANDE TERRE ET DES ILES,
« Le Parti communiste, par la voix répétée de ses tracts et de ses agents de nuit, vient prêcher jusque dans nos petites tribus l’union contre l’Administration et les “esclavagistes blancs”.
C’est entendu, nous nous unissons, nous constituons partout, dans tous nos villages, des comités de la liberté, mais pas de comités communistes marchant à l’aveugle, à la remorque de tous les mots d’ordre venus de l’étranger, jaloux et désireux de jeter la “pagaïe” dans nos rangs.
Nous constituons partout des comités de résistance à l’erreur la plus néfaste que le monde ait vue jusqu’ici.
Nous levons l’étendard de la liberté mais de la vraie liberté et de ses deux sœurs : l’égalité et la fraternité qui ne doivent avoir ni deux faces, ni deux poids, ni deux mesures.
Nous ne sommes pas des roussettes à ne voyager que la nuit ou à ne se rassembler que dans l’obscurité.
Notre programme nous le déployons au grand jour et à la face de tous, à quelque race ou religion qu’ils appartiennent. C’est un programme d’ordre, de justice et de fraternité.
Le drapeau de la liberté que nous levons n’est pas celui de la révolte. Il peut flotter gaiement sous celui des Trois Couleurs. Il assure notre collaboration loyale et franche à tous ceux qui ont travaillé et qui travaillent encore si nombreux et avec désintéressement au bien moral, économique et social de notre petite Patrie, la Nouvelle-Calédonie et de notre grande Patrie de toujours: la France.
Frères Indigènes de la Grande Terre et des Iles, unissons-nous tous étroitement pour être et plus forts et plus puissants et mieux écoutés quand il s’agira de présenter et de faire aboutir les revendications de nos plus justes droits et de repousser fièrement les promesses les plus brillantes, entachées de fausseté et d’anti-patriotisme.
Notre terre calédonienne est suffisamment grande et riche pour faire vivre de son sol, de son sous-sol, de la mer qui l’entoure et des industries qu’elle peut multiplier, une population, 10 fois, 15 fois plus nombreuses. De ce côté, rien à craindre, si tous savent se respecter et s’aider dans une grande et juste fraternité.
Alors pour nous, que devons-nous demander et obtenir? La liberté après laquelle tous soupirent ?
Oui, toutes les libertés justes et saines qui ennoblissent les hommes dignes de ce nom : liberté de la pensée, de la parole, de la presse, de l’association, etc.; en un mot, liberté d’action la plus large dans toutes les choses honnêtes qui respectent les justes droits d’autrui.
Nous demandons, en tout premier lieu, l’inviolabilité de nos réserves indigènes, le maintien de la propriété familiale, telle que l’ont consacrée nos usages séculaires.
Nous demandons l’établissement légal d’un statut indigène évolué, pour régler les différends qui peuvent surgir à l’intérieur des tribus. Nous demandons que le chef est un conseil élu par ses sujets et que les Conseillers élus aient voix délibérative lorsqu’ils sont réunis en assemblée.
Nous voulons avoir des représentants indigènes élus par leurs compatriotes pour soutenir auprès de l’Administration nos droits et nos intérêts.
Nous demandons d’avoir aussi des représentants indigènes qualifiés, élus par leurs compatriotes, quand il s’agit d’établir et de mettre à jour les contrats de travail, afin que justice et sécurité soient données tant aux employés qu’aux employeurs.
Nous demandons que soient abolies toute espèces de réquisitions tant pour les particuliers et les sociétés que pour l’Administration. Nous voulons travailler dans la liberté au même titre que les européens ou assimilés. Nous ne refusons pas, pour autant, de prêter notre concours, dans la mesure du possible, à tous les travaux d’intérêt général ou particulier, pourvu que les conditions de travail et de solde soient reconnues équitables.
Nous demandons l’abolition des prestations que nous étions seuls à faire jusqu’ici.
Si pour remplacer l’impôt foncier et celui de succession, l’impôt de capitation doit être maintenu, nous demandons que les indigènes n’y soient soumis que de 20 à 50 ans et qu’un dégrèvement partiel ou total soit concédé aux pères de famille suivant le nombre de leurs enfants.
Nous savons que l’octroi global de ces libertés ne sera pas sans amener quelques licences chez un certain nombre.
Nous demandons dès lors à l’autorité coloniale d’être secondés par l’emploi d’une discipline ferme assurant la répression rapide de tous les désordres, —en particulier de ceux qui proviennent de l’usage et de la vente des boissons alcoolisées.— Ce n’est pas là seulement en effet une question d’intérêt individuel, mais une question d’intérêt familial et social. C’est une question de vie ou de mort pour nos tribus. C’est une question d’intérêt primordial pour la Calédonie toute entière, — blancs comme indigènes —.
Nous demandons donc que les délinquants, tant vendeurs que consommateurs, soient punis sévèrement lorsqu’ils enfreignent la loi.
Nous demandons que les commerçants de tribu ne soient jamais autorisés à vendre des boissons alcoolisées.
Nous demandons que des “agents de police” indigènes assermentés soient reconnus officiellement dans toutes les tribus comme auxiliaires des représentants de l’Autorité, avec pouvoir de dresser, si nécessaire, un procès-verbal conforme, devant témoins.
Nous demandons que l’instruction donnée dans les écoles choisies par les familles soient améliorée et soutenue par le Gouvernement.
Nous voulons plus de liberté pour avoir plus de justice dans le respect de nos droits, sans préjudice de nos devoirs. De la sorte nous sommes sûrs d’évoluer plus rapidement vers la vraie civilisation et d’apporter un meilleur concours au bonheur de tous les Calédoniens, de tous les Français et de tous les Humains.
Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la France ! »
N.B. Donnez tous votre adhésion à ce mouvement sauveur de nos libertés les plus saines. Que tous les Chefs et sujets en âge et en état de voter, signent ces revendications. Par là, vous montrerez votre Union et vous donnerez une force sans égale aux représentants qui réclameront les plus justes et les plus nobles libertés auxquelles vous avez droit.
MEMBRES DU COMITE D’APPEL :
Ouathio Graviné de Canala, Jonas Divou de Balade, Gilbert Jorédié de Gélima (Canala), Grégori Thiale de Bélep, Didyme Doumaï de Thio, Landredy David de N’Dé (Païta), Cyriaque Téiembouène de Pouébo, Whaga Lucien de l’Ile des Pins, Laurent Philippe de Houaïlou, (Volontaire du B.I.M.P.), David Georges de Nakéty, Ayïe Anicet de l’Ile des Pins, André Noyeu de Gélima, (Volontaire du B.I.M.P.), Jean Kénon de Boikène.
Secrétaires: Paul Wanakami de Lifou et Luc Wadé de Ponérihouen.
source : http://caledonitude.overblog.com/
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