C’est en 2016 que j’ai pour la première fois rencontrée Charlotte Desfontaines, son histoire. Une histoire de métisse opposée à la mienne. Parce que si je savais d’où je venais, en partie et malgré la blancheur de ma peau, il aura fallu de nombreuses années à Charlotte pour se réapproprier une partie de la sienne.
Comme disait Jean-Marie Tjibaou, un enfant du Pays doit être comme un coco qui tombe au pied de l’arbre et plante ses racines, sinon il se retrouve comme un coco qui tombe à l’eau et erre sans but.
A la découverte de son histoire
Charlotte Desfontaine est née en Moselle, à Bitche. Son père est médecin militaire et sa mère institutrice kanak. Elle a grandi à Bordeaux sans connaître ni la culture ni l’histoire du pays natal de sa mère. L’année des ses 8 ans, elle découvre lors de la visite d’un de ses oncles que sa mère parle une autre langue que le français.
Sa maman a fait partie de la dernière génération de Kanaks à avoir été « francisé », à qui il était interdit de parler sa langue, de vivre sa culture. Mise en pension dès son plus jeune âge dans une école catholique, elle n’en sortira qu’à l’âge de 16 ans. Cette douleur, cette violence pour les Kanaks a la même intensité que les enfants aborigènes déplacés dans des orphelinats, placés dans les familles blanche (Il y en a eu également en Nouvelle-Calédonie. Le non-dit est encore très fort et peu ose aborder le sujet)., la même douleur que les enfants réunionnais envoyés en Métropole.
De cette douleur, bien souvent acceptée avec une résignation toute chrétienne qui a permis de développer une forte résilience, Charlotte a décidé de la regarder en face. A travers un premier projet, « La parole libérée ».
De la parole libérée au Collectif Festin comm’un
C’est lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie pour réaliser son projet de documentaire La parole libérée que j’ai rencontré Charlotte. Yvanna Lepeu nous avait mise en relations.
J’avais alors présenté son projet dans Les carnets de Claudia.
Son souhait d’alors était de comprendre la culture kanak autour de 3 projets :
- une biographie pour répondre à la question de son origine personnelle ;
- un documentaire pour interroger sur la place de la mère dans la société kanak ;
- une exposition visuelle et sonore sur la place de la mère dans la société kanak. Comprendre comment on devient mère alors que son enfant appartient plus au clan qu’à soi et découvrir la filiation dans la société kanak et l’adoption coutumière.
Au-delà de cette volonté farouche de connaître ses racines, Charlotte a vécu la souffrance du déni dans lequel elle avait grandi. Ce fut pour elle une déflagration qui lui fera mettre en stand-by ce beau projet et l’amènera des années plus tard, lorsque le calme intérieur sera revenu, à participer à la création du Collectif Festin Comm’un avec Hassan Xulue.
Créé en octobre 2020 dans le contexte des trois référendums prévus par les Accords de Matignon et de Nouméa, ce collectif a pour objectif de permettre aux Calédoniens, vivant en France, de s’engager et mieux comprendre les enjeux politiques, culturels, économiques et écologiques de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
Dans un court documentaire sur France Télévisions Outre-Mer, Aurore Le Mat rappelle l’histoire de Charlotte et sa volonté de faire vivre l’héritage kanak en France hexagonale.
Le destin est bien en route, en marche. La parole de Jean-Marie Tjibaou résonne encore plus fort. Les jeunes du Pays aujourd’hui sont formés pour la plupart à la communication non violente, aux métiers de travailleurs sociaux, à l’anthropologie, au droit, à la finance, etc…. Ils ont un autre regard sur le Pays, l’avenir du Pays. Ils ont aussi des solutions, de nouvelles histoires à créer. Ecoutons-les.
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