Monsieur Poigoune passe souvent au magasin, il met toujours un point d’honneur à venir me saluer, moi, un simple agent de sécurité, il me demande si ça va et de faire attention à moi.
Il est toujours seul quand il vient faire ses courses…
Lorsqu’il passe en caisse puis franchit la porte de sortie, je ne peux m’empêcher de le suivre du regard car je suis toujours un peu ému en le voyant ainsi. Je pense à sa vie, à tout ce qu’il a traversé, à madame Lucette qui est partie, à ses séjours en prison, à ses revendications et ses actions politiques avec le groupe 1878, les foulards rouges, son cheminement politique depuis, ses études de mathématiques, son service militaire, sa carrière de professeur, le juvénat, la ligue des droits de l’homme, tout ce qu’il a fait pour la jeunesse du pays, la jeunesse kanak en particulier, des vies qu’il a changé…
Tout ça pour qu’aujourd’hui des personnes incultes et ignorantes vomissent des bêtises et des insultes à son égard… Ça me fait beaucoup de peine …
A-t-il conscience du nombre d’entre nous qu’il a sauvé par ses actes, ou simplement avec une parole ? Est-il au courant des dénégations de certains à son égard ? Est-ce que cela le touche ?
Regrette-t-il parfois d’avoir tant fait, d’avoir presque tout sacrifié à ses nouvelles générations qui sont (pour beaucoup) devenues ingrates et irrespectueuses ? Le jeu en valait-il la chandelle ?
Qu’elles ont été les répercussions de cet engagement dans sa vie personnelle, familiale et coutumière ? Est-ce qu’il y a eu des jours plus difficiles que d’autres ? Des jours avec et des jours sans ?
On dit souvent que les bonnes actions sont les seules choses qu’on ne regrette pas… Il m’arrive parfois d’en douter, surtout vu le peu de reconnaissance et la mémoire sélective de certains ici …
Je me pose toutes ces questions alors qu’il monte tranquillement dans sa voiture après avoir rangé ses courses, il me fait un petit signe d’au revoir de la main, avec son éternel demi-sourire et son regard un peu triste et rempli d’humilité …
En le voyant s’éloigner, je suis partagé entre l’honneur et la joie de le connaître, de le voir maintenant et en même temps la tristesse de réaliser qu’un jour pas si lointain, lui aussi partira…
Et je me demande au fond de moi pendant combien de temps encore aurons-nous la chance que ce témoin, ce combattant, ce survivant d’une époque révolue mais ô combien importante, soit parmi nous et surtout saurons-nous mettre à profit ce délai qu’il nous reste, pour le remercier, l’écouter et méditer ses conseils, bénéficier de son expérience, de son témoignage de vie et de sa sagesse si unique…
Un texte magnifique, tout comme l’homme qu’il décrit. Merci 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
En tant que répétiteur au Juvénat en 2000 et 2003, j’ai apprécié le charisme de notre président pendant le cyclone de 2003. J’ai bénéficié de ses confidences sur ses origines et puis témoigner de sa chaleur. Je garde au coeur sa haute valeur humaine. Il a les dimensions de Nelson Mandela et pourrait avantageusement être le futur président de la Kanaky avec Milakulo Tukumuli que nous avons connu au Juvénat. Ils formeraient une équipe respectueuse de leurs origines et de la France qui les a bien promus. Germain et Marie-Anne Le Meur.
J’aimeJ’aime