Bozusë ;
« Sous la pluie, sous la poussière
Sur la route du littoral
Au rythme de mes pas
Mon cœur ne bat
Rien que pour toi.
Chœur : Ô qu’elle est belle,
Ô ma Baby star,
Kölö mamati Harie,
Pane courage i sainijë. » J.P Swan et les Mike de Jua e Hnawe.
La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre. Baby est parti… sans bruit, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Son départ laisse un vide immense, une blessure ouverte dans le cœur des tribus du sud de Drehu. Il buvait, souvent, oui… mais personne n’imaginait qu’une trempette banale sur la magnifique plage d’Olan, dans la tribu de Mu, tournerait au drame.
Vendredi 04 juillet au soir, Köfö m’a appelé. Sa voix tremblante portait la douleur de toute notre tribu: Baby a été retrouvé flottant, inerte, dans les eaux qu’il aimait tant. Il s’était éloigné du groupe de jeunes en pleine fête, peut-être pour se rafraîchir ou trouver un moment à lui… Mais la mer, imprévisible et cruelle, l’a emporté. L’hydrocution, cette menace silencieuse, l’a saisi au dépourvu. Et malgré l’arrivée des secours, notre frère était déjà loin. Loin de notre monde, dans un pays que nous n’aurons jamais le privilège de partager avec lui à nouveau.
Baby n’avait pas de famille à sa charge, mais il en avait une immense dans le cœur de chacun. Il vivait pour les autres, toujours présent, toujours rayonnant. Après chaque travail à la tribu, il ne rentrait pas précipitamment. Il s’attardait, il chantait… il offrait à chacun une part de joie. Ses wejein et ses taperas résonnaient comme des battements de cœur dans nos soirées. Il maîtrisait l’art du rythme, des mots, de la danse. Il savait comment faire rire, comment faire vibrer. Ses pas cadencés et ses arrêts secs, suivis d’un changement de tempo, étaient sa signature. Personne ne dansait comme Baby.
Aujourd’hui, les tribus Xodre, Nei, Mu, Hunöj… tous ceux du sud de Drehu sont en deuil. Comme les doigts d’une main désormais amputée d’un de ses plus précieux membres. La vie va continuer, oui… mais plus jamais avec cette lumière qu’il apportait. Baby nous manque déjà. Et il nous manquera longtemps et … à jamais. « Qu’elle était belle, Ô ma Baby star… »
Pour accompagner le vieux Maselo, je propose mon errance dans les rues de Paris la nuit du 14 juillet 1985. 40 ans maintenant. Nuit vagabonde entre aventures et crainte, le saut dans l’inconnu. J’ai osé. Enfin, comme écrit Neruda : « je ne me suis pas privé d’être heureux. » Chut ! Bonne lecture à vous de Hunöj. Wws
Dans la petite voiture de Maselo
Poapi et Utë discutent du mariage arrangé dans un monde en mutation.
Poapi : Utë, tu sais, dans notre famille, les mariages arrangés ont toujours été une façon de préserver nos traditions.
Utë : Oui, Poapi, c’est ce qui nous lie à nos ancêtres. Mais aujourd’hui, les jeunes veulent choisir par eux-mêmes.
Poapi : Je comprends leur envie de liberté, mais je crains que nos valeurs se perdent.
Utë : C’est vrai. Nos coutumes sont notre identité. Pourtant, comment les garder vivantes dans un monde si différent ?
Poapi : Peut-être en adaptant nos traditions sans les abandonner. Trouver un équilibre entre respect et modernité.
Utë : Justement, certaines familles commencent à consulter leurs enfants avant d’organiser le mariage.
Poapi : Une belle évolution ! Si l’on garde l’essence de nos traditions, mais en intégrant le dialogue, ça pourrait fonctionner.
Utë : Oui, ainsi nous ne renierions pas nos racines tout en évoluant avec notre époque.
Poapi : Mais comment convaincre ceux qui rejettent totalement ces coutumes ?
Utë : Peut-être en montrant que nos traditions ne sont pas des chaînes mais un lien précieux entre générations.
Poapi : Exactement. Après tout, un mariage est une union, il doit être fondé sur la compréhension mutuelle.
Utë : L’harmonie entre ancien et nouveau est un défi, mais si nous sommes ouvertes à l’évolution, nous y arriverons.
Poapi : Alors faisons en sorte que nos traditions continuent à unir plutôt qu’à diviser.
Utë : Oui, avec sagesse et écoute, nous préserverons l’essence de ce qui nous définit.
Une nuit, perdu dans Paris
Le 14 juillet 1985, Paris scintillait de mille feux. Feux d’artifice, musiques, rires—la capitale vibrait d’une euphorie contagieuse. J’étais militaire au camp de Frileuse à Beynes, et pour la première fois, j’allais assister aux festivités dans la capitale que j’ai toujours suivies depuis le pays. Une soirée grandiose, une marée humaine surexcitée, et moi Kanak dans ma petitesse, fasciné par cette ville que je ne connaissais que par les images de mes années scolaires.
Lorsque la fête toucha à sa fin, la réalité me rattrapa brusquement. Plus aucun train pour Beynes. Devant la gare déserte, un être inconnu. J’ai perdu de vu Rioual, celui avec qui j’étais venu de la caserne. Une inquiétude sourde m’envahit. Je n’avais nulle part où aller. Paris, majestueuse et festive quelques heures plus tôt, devenait une jungle froide et impénétrable. La foule était toujours là. Les Champs-Élysées grouillaient de monde.
J’errais dans les rues, cherchant un lieu pour dormir. Je ne visais pas les hôtels. Pas de sous. Les bancs publics qui semblaient faits pour moi, étaient occupés par des âmes errantes. C’étaient, avais-je pensé, des vagabonds accoutumés des lieux. Les lumières des boulevards m’éblouissaient et me collaient les paupières. Chaque ruelle semblait une impasse. Je ne connaissais rien ni personne. Loin de ma terre, de ma famille, je me sentais minuscule au cœur de cet immense labyrinthe. Où était passée cette fierté que j’avais ?
Les marches descendantes des escaliers d’un parking souterrain me parurent salutaires. Elles m’engloutirent. L’odeur de béton humide, de pisse, des ombres inquiétantes, des bruits résonnants dans la nuit—rien de rassurant, mais au moins un endroit pour dormir. Je m’accroupis au pied d’une colonne, veillant à rester éveillé malgré l’épuisement. J’attendis…
Le matin, Paris reprenait vie, insensible à ma nuit d’errance. Je sortis de mon trou. J’avais vraiment mauvaise odeur. La ville était belle, mais elle avait été impitoyable. C’était la gare Montparnasse qui m’obnubilait. J’étais seul. À cet instant, je compris ce que signifiait être seul … mais vraiment seul.
copyright photo : Yvanna Doï-Lepeu












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