Bozusë, Tiéta, une tribu pleine de vie
Tieta est une tribu pleine de vie. Depuis le mois de mai, elle n’a cessé d’être en mouvement, portée par les événements et les traditions. Tout a commencé avec la coutume de l’igname, partagée entre les membres de la tribu après l’offrande d’allégeance à la chefferie (1er mai). Puis est venue la fête de mai, pour célébrer l’Ascension — la montée au ciel du Fils de Dieu (fin mai). Nous avons chanté, prié et partagé un repas fraternel avec les paroisses de Voh et de Koné.
Ces fêtes demandent une sacrée organisation : ramassage de bois, préparation des repas en commun, montage des baraques pour accueillir les visiteurs. Et bien sûr, une fois les célébrations terminées, il faut tout démonter, rendre les tôles, rapporter la vaisselle à leurs propriétaires.
À peine avions-nous repris notre souffle qu’un autre événement important se profilait : le mariage d’un fils de la tribu (début juin.) De nouvelles baraques se sont dressées à la maison commune. Il fallait couper du bois pour la cuisine, débroussailler les alentours. Mais alors que nous nous apprêtions à accueillir les festivités, le glas a retenti. Une dame de la tribu nous quittait (milieu juin.) La joie laisse place à la tristesse, et les responsables doivent apprendre à jongler entre les émotions.
Cela nous a menés jusqu’au dimanche dernier. Hier, lundi, marquait la rentrée scolaire après deux semaines de vacances. Cette semaine, coutume et mariage à Gatope.) Et voilà comment, un peu perdu dans mon emploi du temps, je suis venu pour un cours mardi 12H45… qui n’était pas au programme. J’en ai profité pour me poser dans mon bureau, et écrire ces lignes, en écoutant M. Renaud crier après ses élèves sur le terrain de foot en bas. Je pense qu’ils s’amusent à le faire tourner en bourrique.
Ce mardi 17 juin, je reviens de Limite, chez Mme Jeanne, après son enterrement d’hier. Ses oncles maternels sont venus poser la barrière, pendant que notre famille restait là-bas pour préparer la cuisine. La journée est déjà terminée, et il fait maintenant soir. Je me suis isolé pour me reposer un peu, fatigué de rester assis tout le temps. Pourtant, je vais bientôt repartir là-bas pour la soupe du soir. J’avais promis à Pasteur Félix, et même si c’est épuisant de rester silencieux, d’écouter les autres, ou d’échanger, c’est la règle dans notre société : se voir, se respecter, se supporter. Ainsi soit-il.
La petite tribu de la vallée n’a pas arrêté de livrer bataille sur tous les fronts.
Pour accompagner la pérégrination du vieux Maselo, je propose une traduction du fehoa composé par le parolier Jim Hmeun dans le prolongement du mariage du fils de la grande chefferie de Lösi. Wahemunemë. Sublime !
Bonne lecture à vous de la vallée.
Dans la petite voiture de Maselo
Le soleil commence à descendre sur la mangrove, teintant l’eau de reflets dorés. Marienne et Fidèle rament en silence, leurs paniers bien trop légers aujourd’hui.
Marienne : Pas grand-chose cette fois… La mer a été avare.
Fidèle : Oui… et il faut payer la pension de Marie avant la fin du mois.
Marienne : Je veux que nos enfants aient toutes leurs chances. Mais certains jours, le doute me gagne…
Fidèle : Nous avons traversé pire, Marienne. Nous tiendrons bon.
Ils accostent près du marché. Quelques clients habituels les saluent, mais la maigre pêche attire des regards inquiets.
Marchand voisin : Pas beaucoup aujourd’hui ?
Fidèle (souffle profondément) : La mer décide… Nous faisons ce que nous pouvons.
Marienne trie les crabes, cherchant à leur donner meilleure allure. Fidèle négocie avec un acheteur. Chaque pièce compte.
De retour chez eux, leurs enfants les accueillent avec joie. Marie, studieuse, lève les yeux de son cahier.
Marie : Ça a bien marché aujourd’hui ?
Marienne (sourit, cachant son inquiétude) : Assez pour remplir nos assiettes et avancer. Et toi, tes leçons ?
Marie hoche la tête. L’espoir reste. Malgré la rudesse du quotidien, l’amour et la détermination les portent encore. Marienne et Fidèle savent qu’au-delà de la pêche, c’est leur force qui fera la différence.
Jim Hmeun
Ce chant intitulé « Hnanyijoxu e HNAJA » (Angajoxu Evanesie) que j’ai composé en 2012 à Nouméa pour l’inauguration de notre temple rénové de Mu (2012-2015) était surtout destiné à notre association de l’époque, « MU NE CEXUP », dans le but de rendre hommage à Angajoxu Evanesie, principal acteur de la restauration du temple de Mu. Ce chant a été présenté coutumièrement à Angajoxu et chanté à Hnaja la veille au soir de l’inauguration du temple par l’association MU NE CEXUP dont le président était Gope–İwatë Coo. Après cet échange coutumier, ce chant est devenu officiellement la propriété de Angajoxu Evanesie. Quelques années plus tard, par l’intermédiaire de Mme Naxue Alesie, enseignante, et avec l’autorisation de Angajoxu Evanesie, ce chant fera le bonheur des enfants de Mu et de l’équipe éducative de l’école Grand Chef Boula puisqu’il y restera un peu comme hymne de l’école et sera exploité pédagogiquement par les enseignants dans le cadre de l’enseignement des Langues et de la Culture Kanak. A ce titre, j’ai dû rectifier l’avant-dernière ligne du couplet 5 d’origine pour insérer des toponymes plus marquants. A la demande de l’école de Luengöni, et pour prolonger la composition spécifique d’origine, j’ai également composé pour Luengöni, İnagoj, Wasany et Hnaeu après enquête sur le terrain de maîtresse Hnasson Maria. La suite, c’est le Fehoa des enfants avec une belle chorégraphie et un spectacle magnifique, d’abord pendant les fêtes culturelles scolaires annuelles, et là, le summum, c’est pendant le mariage de Wahemunemë. Quand je vois le chemin parcouru par ce chant, je ne peux qu’être un parolier enthousiaste et ravi, pour ne pas dire récompensé. Pour terminer, je tiens à féliciter toutes les personnes, chorégraphes, musiciens, enseignants, bénévoles, et surtout les acteurs principaux, nos enfants, qui ont contribué à la réussite de ce spectacle grandiose.
Essai de traduction du fehoa par le parolier Jim HMEUN (dans le journal. Si quelqu’un pouvait proposer une autre version…)
Fehoa.
Cinq clans de notre tribu
Veillent sur le roi
Ils sont assistés des Atresi
Des gens de Lösi
Qui ont fondé
La chefferie.
Chœur 1
« Les maisons attitrées de la cour,
Apiangajoxu, Apico, Apikai,
Ahmelewedr
Veillez bien sur la chefferie
Le royaume aux mille couleurs
« Que vive Vavanë ! »
II°) Hnengödrai n’est plus
Hnaja l’a remplacé
A cause de l’effroyable tsunami qui a ôté des vies
La famille royale s’en est allée à Hnakej
Pour avoir la paix
Vrai joyau de la couronne.
(Chœur 1)
Nul ne peut renier son allégeance au trône
L’assumer, c’est cueillir la couronne.
Mais garde-toi d’ignorer la voix des sages
Parole et conseil sont nos flambeaux,
Chaque jour, pour tous les fardeaux.
(Kores 1)
KORES
« Clans de Mu, soyons toujours plus forts.
Construisons dans l’unité et dans la foi
Si nous parlons d’une même voix
Alors bâtissons ensemble
Nul autre que Evanesie sera à notre tête
IV°) Le veilleur veille sur Hnaja,
Apico dresse la barrière là-bas.
Apiangajoxu calme les voix,
Apikai et Hnapingo en alerte.
Tous veillent, chacun sur sa voie,
Ahmelewedr prêche la paix.
(Chœur 1)
Où êtes-vous Wahuzue
Ainsi que neköi Mecixen
Où êtes-vous Gope-Fenepej et Naxue
Où êtes-vous Ixöe et Hnaweo
Qatrëthi Mu et Huan
Unissez-vous pour relever Vavanë
(Chœur 1)
VI°) Désormais, nous n’avons plus qu’un seul Haze
L’évangile de Fao
Arrivée à Huan chez Hnaweo
Et que chef Co a acceptée
Au travers des gens originaires de Tonga
Pour que le ciel comble notre nation de sa grâce.
(PUN)
« Les maisons attitrées de la cour,
Apiangajoxu, Apico, Apikai,
Ahmelewedr
Veillez bien sur la chefferie
Le royaume aux mille couleurs
« Que vive Vavanë ! »
coyright photo : David Blancher












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