Nuelasin n°178 – 28 juin 2024

Bozusë, ma pensée est toujours agitée. En ce moment, elle va pour une femme de Hunöj mariée à Yaté. Elle est partie dans le monde des aïeuls dans la journée d’hier. Son corps est encore à l’hôpital. Je pense à elle parce qu’elle est de chez moi et son fils qu’elle a eu dans sa jeunesse est en ce moment en France. La fois où il était venu en vacances sur le caillou, il était venu chez ma belle-sœur mamie Ro. Il disait qu’il voulait me rencontrer parce qu’il lisait mes livres. Il m’a alors donné son adresse mail pour que je lui envoie Nuelasin tous les vendredis. Il est reparti après en Métropole où il a fondé une famille. Je lui présente mes condoléances à lui mais aussi à toute la famille du grand sud. Yaté.

Au collège de Tiéta, depuis le 13 mai, nous n’avons repris les cours que deux jours de la semaine dernière. Jeudi et vendredi. Toute cette semaine, il n’y avait pas eu du tout de cours. C’était très difficile d’organiser par rapport au blocage des routes. Lundi prochain, nous allons tenter le coup. Mais en organisant seulement des cours dans la matinée. Cette fois-ci, c’est le fournisseur des repas qui se trouve à court de ravitaillement. On ne pourra donc pas assurer toute la journée ni faire revenir nos élèves internes. J’ai appelé des collègues des établissements alentours, ils vivent la même situation que nous. Je sais que les élèves que j’ai pu rencontrer veulent absolument revenir sur les bancs de l’école. Cela leur manque. Un élève interrogé par une télé de la P.N disait à l’antenne qu’il s’ennuyait beaucoup à la maison parce qu’il n’avait pas d’occupation. A la tribu de Tiéta, tous les après-midi, les enfants se retrouvent sur le terrain pour jouer au cricket. C’est le jeu à la mode. Le dimanche, ce sont les adultes (parents) qui se joignent à la jeunesse pour organiser le tournoi de cricket qui va durer jusqu’à ce que vienne la nuit et même que le responsable du terrain est obligé de venir pour allumer les lampadaires. C’est dire comment la frénésie du jeu a fini par gagner des lieux reculés comme la vallée de Tiéta. Passons !

        Pour accompagner le vieux Maselo, je vous accorde une petite partie de chasse et des proverbes dédiés aux femmes. Le cerf, est un récit inspiré d’une partie de chasse loupée. Il n’y avait pas de téléphone à ce moment-là. C’était seulement que le Mönitör prétendu chasseur avait oublié de remonter la culasse du fusil qu’il avait nettoyé la veille. On n’avait pas l’air comique devant le troupeau de bêtes devant nous… Je n’en dis pas plus. Il se reconnaîtra. Bonne lecture à vous. Wws

Le cerf

J’étais avec Tonnerre. Nous longions la crête de la montagne grise qui surplombait la tribu. C’était à l’aube pendant la saison fraîche de l’année. Les chasseurs sortaient peu en cette période-là, alors que le gibier était tout plein de gras. Seuls ceux qui sont habitués à supporter le froid, relevaient le défi.

Je me suis sauvé de la maison. Je ne voulais pas que les chiens me sentent. J’ai attaché Tonnerre et tout l’arsenal chez mon petit frère à quelques maisons plus loin, vers le pied de la montagne. C’était là que le sentier qui courrait la montagne, commençait à s’élever.

Au petit matin, je partis ; les chiens dormaient et je fis tout pour ne pas les réveiller. Il faisait encore noir et pour surprendre les lueurs du jour j’ai quitté la maison de mon frère sans même prendre le café comme à mon habitude. Je longeais le flanc de la montagne pour arriver au sommet avant les premiers pas du jour. Mon cheval trottait. Il connaissait le sentier. Au loin, après une courbe, je devinai une masse se détacher d’un taillis contre la couleur de l’aurore. Elle était immense. Immobile. Tonnerre leva la tête et dressa haut les oreilles. Il allait ralentir mais je le fis garder son allure. Sa tête allait d’un côté à l’autre de la sente. La bête nous avait déjà sentis. Et même de loin. Elle demeurait droite, raide comme un roc. Un écueil posé sur mon chemin. Je fis comme si je ne l’avais pas reconnue. Je gardais la tête haute en fixant bien ma route. A quelques encablures, lorsque j’estimai que je n’étais plus suivi, j’arrêtai le cheval et je mis un pied à terre. Tonnerre avait déjà idée de tout le scénario qui allait se dérouler. Il en était habitué. Il se figea. Je décrochai mon fusil et je revins en prenant garde de ne pas détourner l’attention du cervidé. Je le voyais bien parce que les lueurs de l’aube l’éclairaient par devant. Une masse sombre qui tendait le cou pour brouter des touffes d’herbe sur le bord du chemin. Elle ne se doutait plus de rien. Le vent matinal se levait et emportait loin mon odeur suspecte. Le risque de me faire éventer était quasi incertain. Je progressai alors à pas de loup jusqu’à quelques mètres de la bête qui m’offrait tout son flanc. C’était le gros mâle à six branches. Je ne l’avais jamais croisé de ma vie. Jamais aucun gibier ne s’était donné à moi. Royal. Au moment de l’ajuster, Vroom ! L’alarme de mon téléphone que j’avais oubliée de désamorcer se déclencha et réveilla toute la vallée. Je sursautai. Le cerf aussi. Il fit un bond magistral en avant et dévala du même coup tout le versant de la montagne. Le temps de reprendre mes esprits et revenir à moi… la bête a déjà disparu !

Dans la petite voiture de Maselo

  • Bonjour madame Betty. Où est-ce que je vous amène ?
  • Aux barrages !
  • Lequel de barrage parce qu’il y en a deux au village de Voh ?
  • Là-bas vers le restaurant le Vook. Vous avez vu monsieur Maselo, ils l’ont rallongé. Du pont jusqu’à la station.
  • Je le traverse tous les matins avec les chicanes où je dois zigzaguer. Ça va parce qu’ils nous laissent passer, mais la semaine dernière, il nous fallait attendre une heure. Pour les horaires, d’un côté ce sont les heures impaires et de l’autre les numéros pairs, exactement comme la route à horaires de Thio.
  • Avec ça, on ne sait plus quel côté prendre le sein. Ce que je sais seulement, c’est que tout cela est anxiogène.
  • Vous avez raison, madame Betty. Je connais une institutrice qui, en passant le barrage pour aller à son travail, a vu un jeune avec sa hache. Il n’était pas méchant et il lui faisait signe seulement pour la saluer. L’institutrice a fait demi-tour et a exercé son droit de retrait. Plus de cours et une instit déprimée. Je vous jure.
  • C’est vrai, c’est comme cela. J’en connais aussi d’autres qui ont vu le feu seulement et ils ont fait demi-tour.
  • Mais vous savez, madame Betty, moi, en passant le barrage, quand les jeunes avaient allumé un feu, j’ai senti la chaleur dans ma voiture même avec les vitres fermées. Misère ! Je ne sais pas quand est-ce que cette situation va s’arrêter.

Proverbes sur les femmes

La beauté du ciel est dans les étoiles, la beauté des femmes est dans leur chevelure.

Trois espèces d’hommes n’entendent rien aux femmes : les jeunes, les vieux et ceux d’entre les deux.

Celui qui est impatient d’avoir un enfant épousera une femme enceinte.

La vie de l’homme, c’est l’ambition ; la vie de la femme, c’est l’homme.

L’homme est un fleuve, la femme est un lac.

La langue des femmes est leur épée, et elles ne la laissent jamais rouiller.

Quand vous allez pour vous noyer, ôtez d’abord vos vêtements : ils pourront servir au second mari de votre femme.

La femme est une fontaine où se cassent toutes les calebasses.

La femme, comme la lune, brille d’un éclat emprunté.

L’insensé se fait eunuque pour convaincre sa femme d’adultère, au cas où elle deviendrait enceinte.

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