Nuelasin n°153 – 22 septembre 2023

Bozusë. J’écris alors que j’ai la tête un peu vaporeuse. Je pense au vieux Tarou Loulou de Yambe Pouébo. Vendredi, alors que j’eus fini d’envoyer Nuelasin de mon bureau, je reçus le mail dans mon portable. C’était Pasteur de KGO. Lui aussi avait la tête quelque peu retournée par le départ du vieil homme. Personnellement, je ne fus pas bien pour un moment. J’appelai Luc Camoui pour demander confirmation sur le sujet avant d’aller au chapiteau du SILO à Pouembout: « Wawes, c’est vrai pour le vieux de chez nous mais pour le salon du livre, je viens d’arriver de là-bas. C’est fini. Ils ont annulé pour cause d’intempéries. » Je raccrochai et comme j’étais déjà sur la route, je partis faire un tour à la boucherie pour acheter un morceau de viande pour la soupe du soir. Ironie du sort. Le ciel était d’un bleu inouï. Agressif. Tandis que l’eau sous le pont de la Tiéta, montait. J’en riais du coin des lèvres. Au Cédété, il n’y avait plus d’élèves et pour cause, les autorités ont suspendu les cours jeudi en avançant l’heure du ramassage scolaire. Le vendredi, il n’y avait pas d’école. Tant pis pour nous. Tout le monde du corps enseignant n’était pas content parce que nous avons déjà eu beaucoup de vendredis sautés sans compter les autres jours. Mais pour nos élèves, ils étaient dans un autre chapitre de la vie. Le chapitre des temps des insouciances. Question : qui n’a pas connu ce chapitre ? Dieu !

Pour accompagner le vieux Maselo, je vous livre quelques souvenirs d’enfance, des récits de vie recueillis sur la disparition de la Monique. Ma manière à moi aussi de rendre hommage à ce navire disparu voilà soixante-dix ans déjàet je m’excuse auprès des narratrices et narrateurs si je n’ai pas été un bon narrateur. 

Bonne lecture à vous. Wws

Dans la petite voiture de Maselo

–       Bonjour ! Je vous trouve radieuse. 

–       Bonjour, M. Maselo aujourd’hui j’ai du temps à tuer.

–       Ah oui! (silence) Vous avez déjà entendu parler du mythe d’Œdipe ?

–       Non ! 

–       C’est un jeune homme qui a tué son père et épousé sa mère !

–       Eh ! Mais il n’est pas bien lui !

–       Oh ! Détrompez-vous il y a aussi des situations incestueuses dans notre pays et dans notre culture !

–       Mais c’est le passé tout ça !

–       Ces situations existent toujours mais elles sont cachées. Surtout en milieu tribal. Il y a toujours cette honte mortelle.

–       Vous avez raison. C’est bien chez nous ça. On n’en parle pas. Ma fille quand elle était en terminal, elle en parlait avec ses camarades quand ils préparaient leur exposé. Je pensais que c’était un récit de fait divers. Quand Mariella a expliqué après que c’était un mythe, je m’efforçais de garder l’air sérieux. Au fond, j’étais quelque peu perturbée. 

–       C’est dans la vie de tout être, Mme Sidélia. Je vous jure. Euh… nous avons passé le pont. C’est où que je vous descends? 

–       Hmajan! Mais c’est à Témala village. C’est chez le vieux Auguste. 

–       Ah! On va tourner ici à la guérite. 

La Monique: Je vous présente ici quelques vécus liés à la disparition de la Monique. Ils sont muets mais sclérosés, tapis depuis 70 ans chez certaines de nos familles calédoniennes mais aussi d’ailleurs. Ils sont des plaies ouvertes que seul le temps mettra dans son tiroirs nommé oubli. Douleurs ! Je ne relève que ceux que j’ai saisis (comme on dit) au vol au hasard de mes discussions depuis mon enfance. 

Monique: Une dame de Siloam (Drehu) devait partir mais elle était restée à Xepenehe sur la grève des au-revoir. Elle était dans les derniers mois de sa grossesse. Sa tante lui a suggéré l’idée de ne pas partir parce qu’elle voyait bien que la future maman était très fatiguée et qu’elle n’allait pas supporter le voyage. À la naissance de son bébé, elle a donné le prénom Monique, à la mémoire de ce bateau. 

Deux frères de Jokin: Le grand frère a envoyé le cadet pour chercher une dame-Jeanne de vin. À son retour, le bateau a déjà levé l’ancre et se trouvait seulement à quelques mètres du quai. Et le grand frère cria de ne pas le rejoindre mais de retourner à Jokin avec la boisson pour le partager avec les autres frères. 

Thako: (ma cousine de Hunöj) La maman de Jessy Gope (journaliste à Radio Djiido) Elle était chez papa Leitrë (son grand-père) Lorsque la famille était venue la chercher pour partir sur le bateau en compagnie de tonton Wati et Keitrë, le vieux grand-père a refusé. Maintenant, j’ai oublié la raison que papa Leitrë a avancé pour ne pas laisser partir Thako. 

Pasteur Trotro: C’est mon grand-père, celui qui a adopté nenë et tonton Haongë. Il repartait à Koumac où il exerçait sa mission pastorale à Wanap. Il était avec son épouse Dreune. De Koumac, le couple était parti en vacances chez eux à Hnadro. Les deux vieux étaient avec une petite fille du nom de Siazengo. Ils font tous les trois parties des disparus de la Monique.

De ma mère: une dame (de nos familles vivant dans une tribu du littoral) était sortie dans la nuit de la disparition du navire et à l’horizon, elle vit une lumière briller très fort comme un soleil. Le phénomène a duré quelques secondes voire une minute, puis c’était la nuit à nouveau. 

photo : musée maritime de Nouvelle-Calédonie

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