Pour la 3ème fois depuis le début de cette cinquième et dernière mandature de l’Accord de Nouméa, ce sont les 26 voix des élus indépendantistes et celles de l’Eveil Océanien, qui me permettent d’accéder à la présidence du Congrès. Je mesure le courage de poser cet acte politique fort de la part d’unj eune parti, Eveil Océanien, et je salue l’audace dont il fait preuve depuis son entrée sur l’échiquier politique calédonien.
Aujourd’hui, et c’est l’enseignement qu’il faut en tirer, les formations politiques si petites ou si nouvelles soient telles, ne peuvent plus être ignorées, elles contribuent de toutes leurs forces, à peser dans les décisions les plus importantes pour notre pays qui a besoin de tous ses enfants pour construire son avenir par la voie démocratique. Pour la première fois depuis l’Accord de Nouméa signé en 1998, se dessine une conjoncture institutionnelle inédite : deux indépendantistes sont présidents des deux principales institutions de la Nouvelle-Calédonie, le Congrès et le Gouvernement.
C’est un grand moment apprécié par certains, et qui laisse d’autres interrogateurs sur l’avenir. Mais c’est un immense défi qu’il faudra de toute façon relever impérativement et collectivement, car nous sommes des insulaires tous embarqués sur la même pirogue, relever ce défi, en toute humilité avec sincérité, force et courage, en gardant à l’esprit que l’Accord de Nouméa a créé un système institutionnel dans lequel le congrès est au centre.
Il est l’assemblée parlementaire du pays et un lieu ouvert d’échanges et d’expression libre de toutes les sensibilités politiques calédoniennes. Les maîtres mots qui doivent désormais guider notre projet pour la Nouvelle-Calédonie à partir du moment où nos deux institutions sont en ordre de marche, sont Confiance et Responsabilité.
Confiance car nous devons avoir foi en nos capacités de conduire les affaires du Pays, même si la donne a changé, même si le monde et la société calédonienne ont évolué. Responsabilité car il est de notre devoir de consolider les fondations de notre avenir commun.
Il nous appartient désormais de donner de la cohérence à toutes les actions que nous allons mettre en œuvre dans les mois à venir, que ce soit au sein des institutions comme dans d’autres espaces.
Être un conseiller de la Nouvelle-Calédonie, c’est faire vivre la démocratie, incarner le pays avec ses tripes, c’est être au service des citoyens avec cœur et un minimum de compassion. Et nous pouvons tous, avec nos sensibilités et nos différences, nous retrouver autour de ces principes. Cette année fut dense, et extrêmement difficile pour l’ensemble des calédoniens.
Faut-il rappeler la crise sanitaire du fait de ce coronavirus, la Covid_19 qui nous impacte depuis 17 mois, avec toutes les conséquences sur le plan économique et social, creusant encore plus les inégalités sociales. Cette crise nous rappelle tous les jours les limites de notre insularité et nous oblige à repenser nos interdépendances et à imaginer des voies nouvelles.
Cette crise invite chacun de nous à revisiter nos relations avec la nature avec beaucoup d’humilité et de discipline si nous voulons trouver les voies et les moyens tout simplement survivre dans un environnement global abimé par l’action de l’homme.
Faut-il évoquer les conflits liés à la cession de l’usine du Sud, qui ont fait rejaillir des relents d’une période meurtrie de notre passé ? Cette crise sociale a miné le moral des citoyens calédoniens, et a encore aggravé la crise de confiance envers leurs représentants politiques. Mais, il faut le reconnaitre cela a permis au pays de sauver des milliers d’emploi, de sortir de l’économie de comptoir et de se doter d’un nouveau modèle économique en valorisant au mieux sa ressource minière. Cet évènement a conduit le congrès à endosser le rôle de médiateur, pour faciliter les discussions entre les opposants sur ce dossier, afin de maintenir la cohésion sociale et la paix.
Sur un plan institutionnel, la non-adoption du budget de la Nouvelle-Calédonie dans les délais, par notre assemblée et la démission du 16ème gouvernement nous ont aussi discrédité auprès de nos concitoyens. Il aura fallu cinq longs mois pour mettre en place un gouvernement de plein exercice, et cela nous devrons l’assumer avec détermination par le travail, l’innovation et les réformes.
Ces évènements, que je viens d’’énoncer, c’était du jamais vu ou presque, il nous faut donc nous atteler à la tâche, pour qu’en lien avec le gouvernement, le congrès ait un rôle dynamique, constamment en mouvement et non un rôle statique.
C’est le rôle d’un président d’y veiller et de mettre en musique des actions concrètes dans ce sens. Il ne doit pas se contenter de distribuer la parole dans l’hémicycle, comme le disait une personnalité récemment. Non ! Un président du congrès n’a pas que cette fonction, il n’est pas à ce siège en attendant mieux. Il est élu à ce poste pour porter l’institution au cœur de la démocratie calédonienne, pour la positionner au rang de première institution du Pays, afin de reconstruire ou renforcer le lien de proximité avec le citoyen en vue de restaurer la confiance et rebâtir un pays quelque peu miné dans sa cohésion. Il doit faire en sorte que dans un double mouvement de catabase et d’anabase, l’esprit de cette institution effectue en permanence cette liaison dynamique de descente vers les citoyens et d’ascension vers le haut pour porter les aspirations profondes du peuple calédonien. Et à ce niveau-là, le président se doit de faire en sorte d’améliorer la fabrique de la loi, renforcer la mission de contrôle du gouvernement, poursuivre la modernisation de l’institution et préparer l’avenir institutionnel, autant de chantiers auxquels s’y atteler collectivement.
Pendant mes précédentes mandatures et plus particulièrement depuis 2019, j’ai ainsi souhaité que notre parlement évolue et qu’il se développe, qu’il soit plus autonome tout en restant ancré dans l’indispensable dialogue interinstitutionnel avec le gouvernement, le Sénat coutumier, les autorités coutumières, le CESE et les communes. Ce chemin sera poursuivi en tenant compte du retour de l’expérience réussie de concertation entre les institutions et de gestion efficace de la crise sanitaire en 2020-2021 à laquelle le congrès a contribué. Le congrès, grâce aux efforts de ses élus et de l’administration, a continué à fonctionner malgré la crise sanitaire, à adopter des textes sans aucune interruption du débat démocratique ; il a continué à jouer pleinement son rôle alors que dans plusieurs pays du monde, les exécutifs ont pris le dessus allant même pour quelques cas mettre en sourdine ou en parenthèse les parlements. Les activités internationales du congrès auxquelles il convient d’attacher une attention particulière apportent beaucoup, depuis toujours, à l’institution et à ses élus. La coopération interparlementaire doit se développer avec l’Assemblée nationale et le Sénat français mais aussi avec les parlements des pays voisins de la région, de Fidji, du Vanuatu, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, jusqu’aux pays et région d’Europe tels que la Belgique, la Catalogne ou la Corse. Cela permet de partager de bonnes pratiques mais aussi d’associer nos élus calédoniens aux discussions internationales de l’Union interparlementaire, auxquelles le congrès est invité, ou de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) dont le congrès est membre de plein droit depuis 1998 ; et ceci y compris en période de crise sanitaire planétaire grâce aux outils numériques dont nous disposons.
A l’issue du 3ième référendum, et dès le 13 décembre 2021, comme il avait été décidé à Paris en juin dernier, vont s’ouvrir les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie sur une période transitoire de 18 mois avant l’organisation du référendum de projet en juin 2023. Les sujets de discussion sont nombreux et ont été évoqués dans la déclaration du ministre des Outre-mer Sébastien LECORNU le 2 juin dernier à Paris, puis complétés à partir du document de l’Etat retraçant les conséquences du « oui » et du « non ».
Le Congrès en tant que tel n’a pratiquement pas été évoqué lors des discussions de 1998, nous avions tous les yeux rivés sur le gouvernement, dernier né du mille-feuille institutionnel calédonien. Il conviendra donc de débattre de son développement et de son avenir dans les mois qui viennent. Le maintien et le renforcement d’une assemblée parlementaire en Nouvelle-Calédonie est plus que nécessaire, c’est indispensable en tant que gage de démocratie permettant le juste équilibre entre l’exécutif et le législatif.
C’est la raison pour laquelle début 2020, un projet d’évaluation de l’institution a été mis en place par une Commission Internationale d’Experts Indépendants (CIEI), de très haut niveau, guidé par un ancien premier ministre et constituée d’anciens ministres et parlementaires, universitaires et d’un ancien Vice-Secrétaire Général des Nations Unies.
Les travaux de cette Commission ont eu lieu dernièrement, en raison de la crise sanitaire, par visioconférence mais ils ont permis d’identifier 4 axes sur lesquels les élus de notre assemblée pourraient poursuivre la réflexion, le fonctionnement de l’institution et son optimisation, le développement des relations avec les citoyens et leur association via des formes appropriées de démocratie participative, le renforcement de l’autonomie de l’institution et les modalités de contrôle de l’exécutif. Il serait ainsi utile et nécessaire qu’un groupe de travail ad hoc ou une mission de réflexion et de perspective sur l’avenir du congrès puisse se constituer au sein de notre institution et devenir l’interlocuteur privilégié du groupe d’experts internationaux avant la remise du rapport final.
Pour conclure, je m’engage à assumer pleinement mes responsabilités en sanctuarisant notre institution qui ne peut être instrumentalisée en permanence et plus particulièrement en cette période particulière précédant la 3ième consultation du 12 décembre prochain.
Je considère que la campagne référendaire doit se passer à l’extérieur de l’hémicycle et je ferai en sorte que les débats internes puissent conserver la sérénité nécessaire au cours de cette période de 4 mois. Je veillerai que nos débats soient emprunts de respect mutuel et de sagesse à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres face à la population calédonienne et aux enjeux pays. Toutes les sensibilités politiques seront respectées afin de permettre au congrès d’assurer son rôle institutionnel au cœur de la démocratie calédonienne.
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