La langue, un instrument de communication

La langue est un instrument de communication, un système de signes vocaux spécifiques aux membres d’une même communauté et elle relève de l’ordre du social. Elle permet à une communauté de s’échanger, de communiquer, de véhiculer les savoirs. Elle est aussi perçue comme une marque identitaire.

La Nouvelle-Calédonie se caractérise par sa grande diversité linguistique. Les vingt-huit langues kanak sont parlées par près de 71501 locuteurs (ISEE, 2014), issues du premier peuplement ; un créole à base lexicale français est apparu entre 1860 et 1920 (le tayo) dû aux contacts entre les Français et les groupes de Kanaks autour de la Louis Mission Saint (près de Nouméa).

D’autres langues sont parlées en Nouvelle-Calédonie en raison de la colonisation, la déportation et aux récentes migrations de la fin du 20e siècle : Français, Japonais, Javanais, vietnamien, bichlamar, ainsi que d’autres langues océaniennes comme Tahiti, uvéenne Est, futunienne, etc. Ceux-ci sont désignés comme des « langues non indigènes » de Nouvelle-Calédonie.

Les langues kanak appartiennent au groupe océanien de la famille austronésienne, elles se diversifient elles-mêmes en plusieurs variantes dialectales si bien que, pendant longtemps, il a été Elément fondamental de la culture kanak difficile pour les chercheurs de définir le nombre exact de langues kanak.

L’Académie des Langues Kanak admet aujourd’hui 40 langues et dialectes qu’il répartit de la manière suivante : – 28 langues ; – 11 dialectes ; – 1 créole (le tayo parlé dans les tribus de Saint-Louis et de La Conception).

Une marque identitaire 

La langue précède l’individu. Elle est associée à une terre et comme elle, elle est nourricière. Elle est un marqueur identitaire fort au sens où elle est le lien vivant aux Ancêtres. Elle contribue à l’appartenance et la construction identitaire du sujet dans la mesure où c’est par elle qu’il accède à la culture et à l’échange avec les membres de sa communauté. Elle est le produit d’une histoire et est l’expression de la communauté qui est dépositaire de cette histoire.

N’importe quelle langue peut tout exprimer selon les besoins d’une société. Ce n’est pas la langue qui fait la communauté, ce sont les locuteurs qui font vivre et évoluer la langue : l’expression culturelle n’est pas déterminisme linguistique.

Pour autant, l’usage d’une langue locale apporte à l’échange une dimension affective forte qui rapproche les locuteurs quels qu’ils soient.

La parole

La parole kanak est d’abord la parole spirituelle et sacrée née de l’Ancêtre et qui arrive dans le visible avec la mission première d’organiser l’espace et d’établir des relations. C’est aussi elle qui fait naître en soi la conscience d’exister et d’occuper un espace défini. La parole kanak est sacrée, elle marque la présence de l’Ancêtre. C’est elle qui organise l’espace et établit les relations. C’est aussi elle qui fait naître en soi la conscience d’exister et d’occuper un espace défini.

La parole n’est pas seulement un moyen d’information mais elle est aussi action par elle-même (qaja/kuca « dire/faire » en drehu, ye/rue en nengone, ina/pwa en paicî) : lorsqu’une autorité coutumière s’exprime, sa parole vaut acte.

La force de l’oralité dans la Coutume procède de la pratique continue et répétée des discours coutumiers à l’occasion des cérémonies ainsi que des contes, des berceuses, des chants « Aé, Aé » et des danses. Elle constitue une composante importante des rituels coutumiers forgeant inlassablement les mentalités et les pratiques de génération en génération.

La Parole des vieux est un patrimoine oral et immatériel que détiennent chaque clan et chaque chefferie et qu’ils doivent entretenir et perpétuer. Elle constitue et réélabore la mémoire. Elle ancre la transmission dans le souffle des vivants et des anciens.

Les pratiques de l’oralité se sont adaptées à l’histoire et à ses fractures, elle reste un élément fondamental des cultures kanak.

L’oralité

C’est un phénomène complexe qui met en interaction un ensemble d’éléments : modes de transmission, ses éléments de mémorisation, sa structure, sa forme stylistique, ses registres de langue selon les statuts.

Certains textes peuvent être dits, récités, scandés, psalmodiés, chantés. Certains textes peuvent être transmis par tous, d’autres uniquement par des spécialistes. L’originalité des chants et danses est une des expressions les plus vivantes des cultures kanak et de leur identité.

Ils permettent de développer un univers symbolique spécifique, une mythologie, une histoire, des mémoires, des représentations :

– les danses imitatives : le « tchap »,

– les danses de guerre : le « bua », le « feho », – chants à deux voix « aé aé »,

– chants du Nord « ayoï » qui se reconnaissent comme les « wejein » aux îles,

– chant dissonant tout à fait étonnant dans ses harmonies : le « seloo ».

C’est généralement une transmission par imprégnation et par mimétisme.

Le palabre est l’expression d’une prise de décision consensuelle au moins dans la forme. La parole kanak doit circuler en respectant l’ordre statutaire de chacun.

Dans les échanges, la parole des « vieux » nourrit et facilite les propos et dénoue les désaccords. Ils sont considérés comme les plus sages, au vu de leur expérience et de leur vécu, leur parole à la fin du palabre permet souvent de prendre acte du consensus.

Le mythe n’est ni un conte ni une légende. Il renvoie à un espace bien défini, à un lieu-dit, au tertre d’un clan. Il n’est jamais localisé dans le temps puisqu’il renvoie à une temporalité au-delà de la mémoire. Il reflète l’identité d’une communauté, de son itinéraire et de ses alliances. C’est d’abord le lien entre la dimension invisible et la dimension visible d’un même monde.

La parole symbolique – les gestes coutumiers

La parole délivrée lors d’un échange coutumier lui donne un sens et un contenu. Il est le moteur de la société car c’est à l’occasion de ces cérémonies que la communauté affiche son rang, son prestige et renforce et créé de nouvelles alliances.

A l’image de la faible hauteur de l’entrée de la case, le fait de s’abaisser n’est qu’une façon de reconnaître l’autorité des hôtes.

La reconnaissance de l’autre dans son statut appelle la reconnaissance de soi : le respect (hmitrötr en drehu, hmijoc en nengone, cidori en paicî « crainte respectueuse, sacré ») est un mode de la réciprocité qui s’articule moins à l’humilité qu’au prestige auquel chaque communauté peut prétendre.

Les dons, selon les régions, sont disposés de façon plus ou moins ostensibles et ont une valeur symbolique forte en fonction de la répartition sociologique propre à chaque société.

On retrouve les mêmes paroles presque partout : de gratitude, de joie, de pardon, de réconciliation, de regret. Celles-ci expriment l’idée de nouer, de renforcer ou de renouer du lien. L’usage de grandes métaphores (pirogue, igname, case, liane, etc.) connues de tous permet à partir de références culturels partagés, d’échanger avec pudeur des émotions (ihaji « litt. enfumer, qui fait pleurer » en drehu) et d’atténuer la force des idées.

Le rituel fait en langue conserve toutes ses subtilités, sa polysémie et ses arrière-plans. Le rituel coutumier est toujours important car il trace les liens familiaux, tribaux, claniques et renoue encore les valeurs humaines essentielles.

Source : Guide pour l’enseignement des éléments fondamentaux de la culture kanak

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