Mon Pays … Mon île … Tu me fais mal …

C’est la 7ème nuit d’affilée que je monte la garde avec mes voisins dans le groupe de vigilance que nous avons constitué.

Lorsque mon réveil sonne pour aller prendre mon quart, j’ai toujours environ 15 minutes pour préparer mon café, faire ma toilette, m’habiller, et j’ai ce petit rituel d’aller voir mon fils dormir, je le regarde ronfler bruyamment la bouche ouverte, la bave coulant sur son oreiller, insouciant, je lui fais son habituel bisou d’au revoir sur le front juste avant de sortir, mais hier soir je suis resté un peu plus longtemps, je lui ai caressé ses longs cheveux noirs.

Tandis que je le fixe, j’ai malgré moi, encore « la tête dans le pâté » avec la fatigue accumulée et le manque de sommeil, et j’ai toujours ce moment de battement, où il faut que je réalise que tout ce qui nous arrive, n’était pas qu’un mauvais rêve …

Je récapitule dans mon esprit tout ce qu’il s’est passé, depuis cette triste nuit du 13 mai…
Je repense à tous ces dégâts, à tous ce gâchis,
à tous ces drames,
à tous ces morts, à ce petit frère,
ce jeune de Maré, Jybril,
à ses parents, à sa famille, à toutes ces familles,
à ce qu’ils traversent en ce moment …
J’ai les yeux qui brillent et je tremble d’émotion …
J’embrasse mon fils et mes larmes brûlantes vont se déposer sur ses joues …

J’ai envie de crier …
J’ai envie de hurler …
Je me sens en colère …
Je me sens impuissant …
Je suis en colère contre mon impuissance …
Et je vous en veux tellement …
Et j’en veux à la Terre entière …
J’ai du mal à respirer tant je suis en colère …
J’arrive enfin à me lever …
Je le regarde une dernière fois avant de m’en aller …

Je referme la porte derrière moi, je la verrouille, j’essaye de retrouver mon calme et de reprendre mon souffle …
J’essuie mon visage pour ne pas qu’on voit que j’ai pleuré, et je sors affronter cette nuit froide et pleine d’incertitudes …
Je salue mon voisin qui fait le quart avec moi, on va à la rencontre des autres, on échange des banalités, comme pour cacher notre nervosité, on leur dit qu’ils peuvent aller se coucher, on prend le relais …

En scrutant au loin la pleine lune,
Je me dis en moi-même (en essayant d’y croire) :
« On va faire comme on a toujours fait,
un pas après l’autre,
un jour après l’autre,
une nuit après l’autre,
une peine après l’autre …
un pardon après l’autre …
Un compromis après l’autre …
Et peut-être … Je dis bien peut-être …
Qu’après tous ces petits pas…
On se sortira, plus fort, de tout ça … »

Mon Pays … Mon île … Tu me fais mal …

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