Le patrimoine kanak dispersé  : construire une souveraineté patrimoniale ?

Résumé

Depuis les années 1980, le patrimoine kanak dispersé intègre les objets kanak anciens conservés dans des musées à l’extérieur du territoire calédonien. Poursuivant la pensée de Jean-Marie Tjibaou (1936-1989), chef de file du mouvement indépendantiste kanak jusqu’à son décès, ce projet est soutenu et reconnu par les institutions patrimoniales calédoniennes ainsi que par les gouvernements calédonien et français. Certains objets sont considérés comme des ambassadeurs et reviennent temporairement à Nouméa pour y être exposés, avant de repartir dans les musées qui les conservent. Peut-on parler dans ce contexte d’une souveraineté patrimoniale établie en parallèle de l’aspiration à l’indépendance d’une partie du peuple kanak et de l’accès à une plus grande autonomie de la Nouvelle-Calédonie vis-à-vis de l’État  ? Cet article explore l’histoire politique du patrimoine kanak dispersé et propose une vision prospective sur sa poursuite, après les trois votes référendaires pour l’indépendance et la pleine souveraineté politique de la Nouvelle-Calédonie.

Plan

Extrait

Pour Emmanuel Kasarhérou, le programme des objets ambassadeurs représente une «  illustration de ce que pourrait être un patrimoine culturel partagé, entre ceux qui en détiennent une sorte de ‘‘droit moral’’ ou de ‘‘droit culturel’’, les Kanak, et ceux qui en sont aujourd’hui les possesseurs  : les musées européens déposant  » (Kasarhérou, 2015  : 285). Cette «  mise en commun du patrimoine  » (ibid.) est pensée comme une chance pour nouer des relations. Elle renverse l’un des fondements de la notion de patrimoine, généralement pensée sous l’angle de la propriété, de la souveraineté et donc de l’exclusivité (de l’Estoile, 2022  : 16). Le patrimoine kanak dispersé prend sens en tant que «  patrimoine partagé  » (Kasarhérou, 2015 ; 2020), entre la Nouvelle-Calédonie, terre d’origine des objets, et leurs «  musées d’adoption  » (Del Rio et Kasarhérou, 2006  : 54). On peut y voir un prolongement de la «  souveraineté partagée  » défendue par l’État dans l’accord de Nouméa, ici adaptée dans un cadre patrimonial. Les relations nouées entre les musées calédoniens et internationaux peuvent quant à elles illustrer autant de nouveaux chemins coutumiers et d’interdépendances choisies, signes d’une souveraineté accomplie pour Jean-Marie Tjibaou. Par la métaphore diplomatique d’«  objets ambassadeurs  », ces objets entrent dans le cadre des relations internationales. Néanmoins, à l’échelle nationale, comment se définit cette souveraineté partagée  ? Est-elle une souveraineté kanak ou une souveraineté calédonienne  ?

source : Marion Bertin, « Le patrimoine kanak dispersé  : construire une souveraineté patrimoniale  ? », Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 158-159 | 2024, mis en ligne le 30 août 2024, consulté le 02 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/jso/15847 ; DOI : https://doi.org/10.4000/129cf

Photo : APK

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