Le « cycle de jade » kanak. Réévaluation archéologique d’un réseau d’échanges traditionnels (Mélanésie du Sud)

Résumé

À l’arrivée des navigateurs européens, à la fin du xviiie siècle, les chefferies kanak des différentes îles de la Nouvelle-Calédonie étaient en relations formalisées à courte et moyenne distance grâce au fonctionnement de différents réseaux d’échanges, dont le plus célèbre décrit ethnographiquement est connu sous le nom de « cycle du jade ». Standardisé par l’ethnologie du xxe siècle en un axe unique d’échange, principalement à partir d’une source de « jade » de l’île Ouen, avec la fabrication de grandes lames ovales permettant la réalisation de « haches ostensoir » ainsi que de perles arrondies pour des colliers-monnaies, ce « cycle de jade » s’enrichit aujourd’hui avec la découverte d’une résurgence de filon de néphrite sur la côte Est de la Grande Terre. Ceci nécessite de reconsidérer la complexité des productions d’objets et des formes d’échanges formalisés existant dans « l’ensemble culturel traditionnel kanak » de pré-contact mais également durant la période coloniale.

Plan

Extrait

Les sociétés océaniennes ont été caractérisées par les anthropologues comme des sociétés d’échanges (Oliver, 1989). Les travaux archéologiques ont montré l’ancienneté de cette tradition – remontant dans le nord de la Mélanésie à plus de 20 000 ans (Specht, 2005) – et l’existence d’axes de circulation d’objets en obsidienne ou en basalte, sur des distances pouvant atteindre parfois plusieurs milliers de kilomètres à certains moments de la chronologie ancienne (Sheppard, 1993 ; Weisler et Green, 2001 ; Ross-Sheppard et al., 2013). En Nouvelle-Calédonie, la chronologie archéologique préhistorique et traditionnelle, qui débute il y a environ 3 000 ans avec l’arrivée de groupes Lapita, souligne des variations significatives dans l’importance des échanges suivant les périodes. Ainsi, si des échanges réguliers caractérisent le premier millénaire d’occupation, avec des pots Lapita circulant entre différentes communautés de l’archipel (Chiu et al., 2016), certains étant échangés jusqu’au Vanuatu (Dickinson et al., 2013), le premier millénaire après J.-C. voit une diminution massive de la circulation d’objets entre la Grande Terre et les îles Loyauté (Sand et al., 2003). Le dernier millénaire avant le contact européen, défini comme la période de « l’ensemble culturel traditionnel kanak », se caractérise au contraire par le développement de nouveaux axes d’échanges à travers l’archipel et au-delà, avec la circulation de poteries, d’objets lithiques, de différents types d’objets cérémoniels comme les monnaies en fibres et en coquillages, de productions artisanales, de matières premières et de femmes (Kasarhérou et Boulay, 2013 ; Sand et al., 2008). Ces traditions d’échanges formalisés liant de proche en proche les différents groupes politiques et culturels de l’archipel durant la période traditionnelle sont minorées dans de nombreux travaux scientifiques ainsi que dans l’imaginaire populaire calédonien au profit d’un circuit relationnel prééminent, symbolisé par le « cycle du jade ». Il s’agit de la confection et de la circulation de colliers-monnaie en pierre verte et surtout du type de hache kanak de forme discoïde, très plat, attaché à un manche par deux trous de ligature forés à la base de la pierre. Cette forme d’outil est sans équivalent dans le Pacifique, bien que certains ethnologues aient envisagé un lien avec le patou de Polynésie et particulièrement de Nouvelle-Zélande (Guiart, 1963 : 254 ; Métais, 1952 : 141).

source : Christophe Sand, Russell Beck, Yoshiyuki Iizuka et Christophe Adams, « Le « cycle de jade » kanak. Réévaluation archéologique d’un réseau d’échanges traditionnels (Mélanésie du Sud) », Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 144-145 | 2017, mis en ligne le 15 décembre 2019, consulté le 02 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/jso/7876 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jso.7876

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