Décoloniser la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, le dernier ouvrage de Benoît Trépied

Ecrit en quelques mois après une valse d’interviews entre mai et juillet 2024, et fruits d’années d’études, Benoît Trépied présente ici un ouvrage juste et honnête sur la société kanako-calédonienne, son histoire, son présent et son futur. Un livre à mettre dans les mains de tous scolaires, étudiants et personnes désireuses de vraiment comprendre la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.

Cet ouvrage participe à la volonté de beaucoup de faire sortir la société kanako-calédonienne du non-dit si violent et imposé depuis plus de 150 ans. Il était temps qu’un tel ouvrage vulgarisé, et de cette qualité, soit proposé au public allochtone en particulier.

Un chemin est désormais à créer, suivre, permettant d’unir connaissances autochtones et allochtones, chemin que seuls ceux ayant ces connaissances sont capables d’ouvrir. La richesse et le respect de l’ensemble de ces connaissances en est la première étape.

Résumé

Le 13 mai 2024, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie a connu un embrasement sans précédent qui fera date. Les dégâts humains, matériels et politiques ont été considérables. Mais surtout, un processus de décolonisation unique dans l’histoire a été brutalement interrompu. Ce livre voudrait fournir les clés pour comprendre un tel bouleversement.

Du peuplement kanak du pays il y a trois mille ans aux colons venus « blanchir » le territoire, de la lutte pour l’indépendance aux accords de paix, il revient sur un long chemin d’émancipation et examine les mutations survenues ces quarante dernières années, d’un point de vue tant social, qu’économique et politique.

De la sorte, c’est un tableau complet et accessible qui est ici proposé, avec l’espoir que cet ouvrage puisse éclairer les consciences et, modestement, aider à imaginer les voies d’une décolonisation réussie à l’avenir.

Extrait

De nos jours, on constate justement que les jeunes générations calédoniennes ont tendance à se rassembler de facto autour de références kanak plutôt que françaises.
Au nom d’une solidarité culturelle océanienne mais aussi d’un sentiment partagé de marginalisation sociale, des rapprochements inédits ont désormais lieu entre jeunes Kanak et jeunes Wallisiens, y compris sur les barrages indépendantistes et face aux forces de l’ordre durant la crise de mai-juin 2024, alors que leurs parents ont longtemps nourri de forts antagonismes politiques. Lors de leurs études supérieures en France, au Canada ou en Australie, il n’est pas rare que des étudiants calédoniens non kanak se mettent à fréquenter assidûment leurs congénères kanak – bien plus qu’ils ne l’auraient fait chez eux – jusqu’à s’approprier des emblèmes indépendantistes, au premier rang desquels le drapeau Kanaky, devenu dans les faits le principal signe distinctif de la Kanaky- Nouvelle-Calédonie à l’étranger. Quant à la chanson indépendantiste Makukuti Kanaky de Djo Bnca, après avoir été l’hymne des grandes manifestations kanak contre le dégel du corps électoral en 2024, elle est devenue le véritable tube de l’année pour une grande partie de la jeunesse calédonienne, toutes ethnies confondues, qui lors des fêtes ou sur les réseaux sociaux n’aime rien tant que la reprendre en choeur en dansant ou en agitant des drapeaux Kanaky. Les responsables loyalistes pourront toujours dire que la chose est anecdotique, que ces jeunes ne savent pas ce qu’ils font ou qu’ils crachent dans la soupe : il n’en demeure pas moins que le sentiment d’appartenance au pays se manifeste ainsi au quotidien, et de plus en plus, autour de la présence et de l’identité kanak.

L’auteur

Benoît Trépied est anthropologue, chargé de recherche au CNRS, membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS, Aubervilliers).

Il a notamment publié Une mairie dans la France coloniale. Koné, Nouvelle-Calédonie (2010) et, avec Christine Demmer, La coutume kanak dans l’État. Perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie (2017).

Publié aux Editions Anarchasis