Comment sortir du mode « survie » ? Entre autochtonisme et projet politique de reconquête de souveraineté par le peuple kanak

Résumé

Cet article propose d’interroger les discours contemporains de leaders indépendantistes face aux dilemmes qui s’imposent à des représentants coutumiers du peuple kanak au terme de l’accord de Nouméa, entre leur volonté d’accession à la pleine souveraineté et les possibles alternatives consécutives aux trois refus successifs des consultations référendaires. Deux stratégies pourtant distinctes s’imbriquent : d’une part, celle de la reconquête de la souveraineté via l’accès à l’indépendance ; d’autre part, celle de la revendication juridique propre au peuple autochtone, pouvant bénéficier d’aménagements spécifiques et conduisant à une forme de souveraineté plus locale. Au-delà d’une apparente opposition, une complémentarité se joue entre ces deux stratégies. Cet article s’appuie sur un corpus comprenant des observations de terrain en Nouvelle-Calédonie faites entre 2017 et 2024 et neuf entretiens semi-directifs conduits avec trois acteurs du flnks, deux acteurs de syndicats indépendantistes, et quatre acteurs de la société civile et coutumière.

Plan

Extrait

Le terme « Kanak » est employé pour retourner le stigmate de celui, péjoratif, de « canaque » qui était une insulte couramment utilisée pour caractériser la population autochtone. Le terme hawaïen « kanaka » qui désigne l’« homme », a aussi été véhiculé par les langues pidjin parlées par les santaliers au xxe siècle et a ainsi été revendiqué par la population autochtone pour en faire un marqueur identificatoire et revalorisant (Chappell, 2013). Au-delà du retour symbolique des actes de prises de possession du 24 et du 29 septembre 1853 au Service des archives territoriales de la Nouvelle-Calédonie situées à Nouméa, – illustré par le geste de restitution au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie fait par le président de la République Emmanuel Macron en mai 2018 à Nouméa (Edition spéciale E. Macron, 2018) –, il faut entendre le recouvrement de souveraineté comme l’accession de l’archipel au rang d’État, titulaire de la « compétence de sa compétence » (Jellinek, 1922), avec sa propre Constitution et décidant seul sur son territoire vis-à-vis de la population administrée, sans contrainte externe et tutélaire. Si la dimension partenariale ou d’association s’entend naturellement, c’est bien parce que l’archipel en aurait accepté les contours sans que ce choix ne soit unilatéral ou, encore une fois, imposé.

Il est donc important de fournir une analyse des différents leviers d’actions à disposition du peuple kanak dans la poursuite de ce long cheminement. Cette multitude de possibilités, nous le verrons, n’est pas sans dresser des lignes de conflictualité. Ainsi, comment l’approche majoritaire du projet de reconquête de souveraineté politique de l’archipel, principalement conduite par le peuple kanak depuis les années 1980, peut-elle converger avec une approche dite « autochtoniste » de l’émancipation du peuple kanak, qui encourage certains de ses représentants à s’engager sur un terrain juridique plus spécifique au sein d’une entité qui se voudrait souveraine  ?

source : Anthony Tutugoro, « Comment sortir du mode « survie » ? Entre autochtonisme et projet politique de reconquête de souveraineté par le peuple kanak », Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 158-159 | 2024, mis en ligne le 28 août 2024, consulté le 20 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/jso/16034 ; DOI : https://doi.org/10.4000/129cl

Photo : ©APK Le 24 septembre 2024, les coutumiers réunis à la grande chefferie de Gureshaba (Nengone) par Inaat ne Kanaky proclament la souveraineté de leurs chefferies sur leurs territoires

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