Résistances à la patrimonialisation. Agentivités, créativités et souveraineté kanak (Arama et nord Hoot ma Whaap, Nouvelle-Calédonie)

Résumé

Au nord de Hoot ma Whaap (Kanaky Nouvelle-Calédonie), en particulier à Arama, on observe des prises de positions pouvant sembler contradictoires envers des phénomènes de type patrimonialisation. L’analyse de l’ethnographie permet de mieux comprendre ces diverses prises de positions, en soulignant le rôle de collectifs délibérants qui décident ou refusent l’emploi de procédures opératoires cérémonielles kanak d’élaboration des relations, dont certaines fondent les souverainetés locales et régionales. Dans cette perspective, des demandes de performances culturelles peuvent être refusées qui dévaloriseraient certaines séquences opératoires en les séparant de contextes cérémoniels et de leur efficacité sur les relations.

Plan

Extrait

Ceci m’amène à présenter un autre type de positionnement vis-à-vis de phénomènes proches de la patrimonialisation. En effet, au fil des ans, j’ai d’abord découvert des refus concernant la danse medoen, puis la mise en œuvre de cette même danse dans des circonstances particulières, innovantes. En 1993, des jeunes musiciens kanak d’Arama formèrent un groupe de kaneka et ils demandèrent l’accord des « vieux » (hulac) pour le nommer Medoen , du nom d’une importante danse effectuée lors des cérémonies d’intronisation du teâmâ et d’érection de la grande maison – c’est-à-dire pour des actes constitutifs de l’élaboration du personnage et de la construction architecturale qui à Arama figurent la société (Monnerie, 2010a), et sont constitutifs de la souveraineté locale. La permission fut refusée car ce nom est chargé de force et son usage potentiellement dangereux. Des vieux m’expliquèrent qu’un autre groupe de kaneka de cette région avait, quelques années auparavant, pris le nom, lui aussi chargé de force, d’un vent annonciateur de mort. Celui-ci aurait ensuite été abandonné car, selon certains, plusieurs décès pouvaient être attribués à cette dénomination inappropriée. Ce refus d’usage du nom Medoen est celui d’une séparation: celle du nom medoen de son référent, la séquence cérémonielle dansée32. Ce nom aurait ensuite pu été utilisé hors contexte cérémoniel, dans toutes sortes de circonstances pour désigner ce groupe de kaneka. Ceci résonne avec le fait qu’un peu plus tard André Théain Hiouen refusa de me décrire cette danse hors contexte, insistant sur le danger que cela présentait33. Toutefois, en 1998, la danse medoen sera exécutée dans un contexte qui n’est pas celui, classique, de la construction de la Grande Maison ou d’intronisation du teâmâ. Je voudrais maintenant montrer comment cette performance innovante du medoen relève, non pas d’une séparation, mais d’un détachement-reconfiguration de cette séquence, décidé par le Conseil Hoot ma Whaap pour un contexte cérémoniel spécifique, innovant.

source : Denis Monnerie, “Résistances à la patrimonialisation. Agentivités, créativités et souveraineté kanak (Arama et nord Hoot ma Whaap, Nouvelle-Calédonie)”, Journal de la Société des Océanistes [Online], 142-143 | 2016, Online since 31 December 2018, connection on 04 September 2024. URL: http://journals.openedition.org/jso/7576; DOI: https://doi.org/10.4000/jso.7576

image : ©Nadine Goapana / NC la 1ere

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