Médiapart: Que répondez-vous aux anti-indépendantistes qui évoquent un risque d’effondrement de l’économie du pays ? Comment envisagez-vous la transition ? La Nouvelle-Calédonie souffre de la fuite des capitaux, notamment des vieilles dynasties caldoches. Comment faire pour que ces flux financiers reviennent irriguer l’économie du pays ?
Paul Néaoutyine. : Toutes les évolutions, tous les progrès sont le fait des Kanak, des indépendantistes. La caractéristique principale de l’économie coloniale est le clientélisme. Son objectif est faire travailler les gens à la réalisation de son propre profit. À la sortie de l’indigénat [en 1946 – ndlr] et de la Seconde Guerre mondiale, les infrastructures notables, à savoir les routes, les aéroports et la mécanisation dans l’agriculture, ont été mises en place par les Américains installés dans le pays. C’est à eux que nous devons ces avancées, pas à l’administration coloniale ! La colonisation ici n’a rien produit d’intéressant. La sécurité sociale, c’est l’Union calédonienne des premiers jours, alors composée de notables kanak et caldoches, qui l’a instaurée.
Les non-indépendantistes disent que le système bancaire va s’effondrer. Or, la première banque, la Banque calédonienne d’investissement (BCI), c’est moi qui l’ai créée. Les autres sont venues ensuite. Pourquoi nos détracteurs n’y ont-ils pas pensé tout seuls ? Le propre de l’économie de comptoir est de rapatrier l’argent ailleurs. C’est ce que font les non-indépendantistes aujourd’hui : ils placent leurs milliards sur la Gold Coast, en Australie, en Nouvelle-Zélande du Sud, peut-être même dans le golfe Persique. Cet argent ainsi recyclé ne vient pas de nulle part : il a été créé par l’économie calédonienne, mais l’économie calédonienne en est privée. L’accord de Nouméa a mis en place un conseil du crédit, mais il ne s’est réuni qu’une fois, c’est dire l’intérêt qui est porté par les dirigeants de ce pays à cette question. Quant à la chambre territoriale des comptes et la brigade financière, elles nous contrôlent, nous, les indépendantistes, mais laissent tranquille le gros business. Et c’est sans compter les entreprises qui maquillent leurs comptes. En cas d’indépendance, il est évident que nous ne resterions pas les bras croisés : nous instaurerions des contrôles pour mieux gérer ces flux financiers, pour mieux orienter les revenus dégagés par l’économie calédonienne.
Paul Néaoutyine: « Nous ne renoncerons jamais à la souveraineté »
26 mars 2018 Par Carine Fouteau (1er extrait d’interview)
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source : médiapart












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