Rosalie et moi arrivons dans ce petit coin caché, au bord de la PWÂRÂIRIWÂ (Ponérihouen). En posant les pieds, une vague d’Amour m’envahit : émue je suis, apaisée je deviens, comme un sentiment de déjà vu, de déjà vécues. Les bras ouverts, Cuuké nous accueille de son très beau sourire. Pwâdé arrive et nous offre quelques mulets fraîchement pêchés sur les rives de la vieille Dame.
Urë Pârâ ! Montrons nos visages, demandons la permission de parler, de pleurer, de naviguer ici à Nabûdi. Assis autour d’un bol de tisane, les échanges peuvent commencer. Pwâdé partage avec nous un morceau de sa vie sous l’œil attendri de Cuuké.
JAREB, c’est un style de musique me dit -il. Un jour, à l’école de musique de Wawiilu, Méârâ gaara », il jouait de la guitare. Dans le même temps un ami, Erold Jorédié, jouait de la batterie et l’autre, Danilo Amori, de la basse. Alors que les tonalités s’entremêlent, les prémices d’une musique à trois temps se découvre à son cœur de musicien. Très honoré et très enthousiaste, il se dépêche de la baptiser. JAREB sera son nom : parce que l’un jouait du Jazz, JA, l’autre du reggae, RE, et le troisième du Blues, B.
S’en suivent dix années pendant lesquelles il jouera pratiquement seul cette musique. Il part en France se perfectionner. Personne n’y prête vraiment attention, à JAREB, elle est écoutée sans l’être vraiment. Ces 3 temps personne n’y prête attention.
C’est la traversée du désert ! Comment expliquer cette musique, sa philosophie. Cette musique qui lui rappelle tant les taperas que chantait sa grand-mère au temple ou à la maison. Cette traversée, c’est le temps du mûrissement pour JAREB, c’est le temps du retour à la source, à la culture Kanak, la sienne, pour Pwâdé.
Ces 3 temps, marque de fabrication de JAREB dont le pilou reste le socle, ramènent le créateur aux trois temps fort de la vie d’un Kanak que sont la naissance, le mariage et le deuil.
Pwâdé s’attèle à structurer la séquence d’une piste JAREB. Lorsque vous écoutez un morceau, le pilou introduit la séquence du pilou, se fond aux instruments modernes, guitare, batterie etc…. puis un cri clôture la séquence. Cette séquence est comparable à l’homme qui se fond dans la société moderne et qui garde comme base de vie ses traditions.
La philosophie de JAREB : valoriser le Kanak dans ce dédale de modernisation, lui faire prendre conscience que dans ce monde où l’appel de la technologie moderne est fort, il est possible de lier tradition et modernité. Je peux être dans mon moi traditionnel, vivre mon océanité, en approvisionnant à mon gré ce que peut m’offrir le modernisme. Au fil du temps, JAREB devient un état d’esprit. Nous sommes tous complémentaires des uns et des autres, notre lien commun la coutume, nous pouvons tous apprendre des uns et des autres.
Le mouvement Pwârô (*souffle de vie) sort de Terre. Ce mouvement permet de mettre en branle le Festival JAREB. A partir de 2017, commence l’aménagement d’un espace au bord de la Ponérihouen, l’idée d’un festival prend vie au CCT en 2019 et l’espace accueillera le premier festival Jareb en 2021.
Il se déroule sur une semaine, toujours la deuxième semaine de vacances d’août.
Des artistes de tout le pays arrivent, se rencontrent, échangent leur savoir. Le festival est aussi ouvert au commun des mortels. Vous pouvez venir, piquer votre toile de tente et participer aux activités pendant une semaine.
Chacun partage son savoir, son savoir-être mais aussi son savoir-faire. D’ailleurs, le site festivalier a été aménagé, construit en total liberté ! La case a été construite par des artistes de Koné, le faré avec l’aide des amis de Touho, le podium monté par tous les artistes présents en 2021 avec une partie des matériaux venant de WE GOA et PWEEVO l, le podium par d’autres… C’est la maison de tout le monde ne cesse de répéter le couple.
La semaine se déroule comme suit :
De préférence tout le monde arrive le dimanche. Chacun apporte une participation en nourriture.
Chaque jour, le réveil se fait au rythme d’un pilou ; il est différent chaque jour, suivant les aires culturelles présentes.
Le lundi, un lieu est proposé à la visite et l’écoute d’une histoire est proposé. Ce conte deviendra le fil conducteur de la semaine.
Selon l’arrivée des artistes, des ateliers se tiennent en journée. Chacun y partage son savoir. En soirée des contes, des spectacles sont proposés.
En général, le vendredi est réservé à la préparation du spectacle : répétition, scène. Et le samedi, le public est invité à venir apprécier ce qui a été préparé durant la semaine.
Vers 18h30, un repas est partagé, entre 20 et 22h mise en scène de la semaine. Puis à partir de 22h un grand pilou est lancé.
Cette année, le festival se déroulera du 18 au 24 août 2024, Cuuké et Pwâdé sont impatients et heureux de vous accueillir.
Puis, pour clore cette journée, nous avons pris le temps d’apprécier une combava citron. Ce fût avec un gros pincement au cœur que nous nous sommes dit aurevoir.
copyright vidéo : Djidjahon Doï
Auteur compositeur interprète Damien Gorodja












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