Le rat et le poulpe est certainement le conte Kanak le plus connu. On le retrouve dans toutes les sociétés du Pacifique. Civilisation orale oblige, il est décliné dans plusieurs versions selon l’aire coutumière, selon la langue.
Le conte source toutefois est celui de Lifou :
Il y a très longtemps, l’île de Lifou vivait un moment de grande famine. Les oiseaux devaient aller chercher de la nourriture sur l’île de Tiga. Le rat se retrouva seul à Lifou.
Le soir venu, une poule sultane passa par là.
« Que fais-tu là seul, mon ami ? » demanda-t-elle au rat.
– Je voudrais aller également à Tiga où je pourrais trouver de quoi manger.
– Grimpe sur mon dos, je vais t’y amener.
A Tiga, le rat se régalait avec une grosse pastèque tandis que la poule sultane se gavait de canne à sucre.
A l’aube, le rat tardait à venir et l’oiseau s’envola vers Lifou. Un poulpe qui passait par là, entendit les pleurs du rat.
« Pourquoi pleures-tu ? » demanda-t-il au rat.
– Je voudrais retourner à Lifou, la poule sultane m’a laissé seul, ici à Tiga.
– Monte sur ma tête, je te ramène à Lifou.
Les voilà partis.
Au milieu de l’océan, le rat se mit à rire.
« Hahae, hahae… »
– Pourquoi ris-tu si fort ? lui demanda le poulpe
– Je ris car je suis heureux de voir que nous approchons de Lifou
L’île de Lifou était à vue d’œil.
« Hahae, hahae… »
– Pourquoi ris-tu encore ? lui demanda le poulpe à nouveau.
– Je ris car je suis heureux de voir que Lifou est tout près de nous.
Arrivé à bon port, le rat sauta sur la terre ferme.
« Eh ! Mon ami, qu’est-ce que tu es chauve ! »
– Pardon ?
– Je te disais que tu étais vraiment chauve !
– Hypocrite ! Tu te moquais donc de ma tête quand tu rigolais si fort !
Le poulpe était vexé et en colère également. Il attrapa une épine d’oursin et la lança sur le postérieur du rat. Celui-ci ramassa lui aussi un fruit sec par terre et le balança de toutes ses forces sur la gueule du poulpe.
C’est à partir de ce moment-là, que le rat possède maintenant une queue et le poulpe une dent toute noire.
Fiche enseignement élaboré par la DENC
Version de Tiga – Réalisation de l’Académie des Langues Kanak en français et en Nengone, avec le soutien de la Ville de Nouméa
Version Iaaï – Réalisation de Florent Louisy-Gabriel pour l’UNC
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Le poulpe et le rat de JP SWAN interprété par les élèves de CP/CE1 d’Eben-Eza lors de la fête du livre 2017
Autre version
Un rat, un goéland et une poule sultane vivaient ensemble, en camarades, et s’étaient associés pour chercher leur nourriture. Or, il advint, une fois, que les vivres manquant, les deux oiseaux et le rongeur tinrent conseil. Allons pêcher, dit le goéland, allons aux récifs, la mer sera bientôt basse et nous prendrons beaucoup de poissons. Tu as raison, dit la poule sultane. Ah ! soupire le rat, cela vous est bien facile, à vous qui avez des ailes, mais moi pauvre et chétif quadrupède, comment ferais-je pour vous suivre ? Construisons un radeau, dit la poule sultane et tu viendras avec nous. C’est cela, s’écrièrent les deux autres.
Ils se mirent à l’œuvre. Le rat rongeait, coupait et creusait des cannes à sucre, les oiseaux en disposaient les morceaux en forme de pirogue ; la coque, le mât, la voile, le gouvernail, tout était en canne à sucre. L’ouvrage fut bientôt terminé, la poule sultane et le goéland mirent l’embarcation à flot, le rat y sauta joyeusement et partit escortés de ses deux ailés.
Arrivés au grand récif qui était à sec en ce moment, le goéland et la poule sultane dirent au rat : Reste-là, nous allons pêcher et nous reviendrons tout à l’heure avec nos provisions. Puis ils partirent à tire d’aile et disparurent de l’horizon.
Le temps se passait et les deux oiseaux ne revenaient point. Pressé par la faim, le rat se mit à dévorer la voile, puis le mat, puis las d’attendre toujours en vain, le gouvernail, et finalement l’embarcation. Il venait à peine de ronger le dernier morceau que les deux oiseaux parurent tenant dans leur bec les poissons qu’ils avaient attrapé : Eh bien ! cria la poule sultane, nous avons fait bonne pêche, mais où est ta pirogue ? Hélas ! répondit le rat, je vous ai attendus longtemps, vous ne reveniez pas, j’avais faim, je l’ai mangée. Comment, s’écria le goéland avec colère, nous travaillons à te construire une embarcation et tu la manges, c’est le prix de notre travail ! Eh bien, puisque tu es ici, restes-y. En achevant ces mots les deux oiseaux partirent, laissant le rat se désoler, crier et pleurer. Déjà, la marée commençait à remonter. Je suis perdu, se disait le rat. Avisant un caillou qui était encore à sec, il y sauta au moment où la mer commençait à gagner sa place. Hélas ! murmurait-il, tout à l’heure, l’eau m’atteindra ici, et il faudra bien que je meure. Comme il était en train de se lamenter, passa un poulpe qui l’aperçut. Que fais-tu là, petit, lui demanda-t-il.
J’attends la mort, lui répondit tristement le rat, le goéland et la poule sultane m’ont abandonné, et il lui raconta son histoire.
Ah ! Ah ! dit le poulpe qui était une bonne créature, te voilà dans une vilaine situation, mais je vais t’en tirer. Saute sur mon dos je ne vais pas très vite, mais je te conduirais quand même à terre. Le rat tout joyeux sauta sur la tête de l’animal complaisant. Celui-ci, en effet, ne nageait pas bien rapidement, pourtant on se rapprochait peu à peu de la terre et enfin, on ne fut qu’à une courte distance.
La rat, échappé à la mort, ne sentait plus d’aise. Il riait et dansait comme un fou, et, sans respect pour son sauveur, il urina sur la tête du poulpe. Que fais-tu donc là, petit ? dit l’animal des mers qui sentait l’autre se trémousser sur son dos. Ce n’est rien, répondit le rat, c’est la vue de la terre qui me réjouit. Puis comme on était plus qu’à quelques brasses du rivage, le rat, rempli d’allégresse, souilla de ses ordures la tête de son bienfaiteur en s’élançant soudain à terre. Et maintenant, regarda-toi, cria-t-il au poulpe en se pâmant de rire.
Le poulpe aperçut alors ce que l’ingrat lui avait laissé pour prix de son service. Furieux, il voulut se précipiter pour poursuivre le rongeur, mais les rochers lui déchirèrent ses longs bras et, tout meurtri de ses efforts, il dut regagner le fond des mers.
Depuis ce jour, le poulpe garde sur sa tête les traces de cette aventure et une haine farouche envers les rats.
Pour aller plus loin : https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1978_num_34_58_2970













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