Sur l’île d’Ouvéa s’est déroulé les 3 et 4 août 2022 la première étape d’un séminaire itinérant sur l’économie en Province des Iles Loyauté (PIL). En passant par Maré puis Lifou ce séminaire a été un espace d’échange, de partage et de réflexion entre les acteurs institutionnels, les promoteurs, les autorités coutumières et plus largement les populations concernées par la question du développement dans les Iles Loyautés.
Umberto Cugola, anthropologue et formateur à l’Institut de Formation et de Recherche en Animation Sociale et Sanitaire (IFRASS) de Toulouse, nous rapporte ce séminaire dans un document complet.
Epilogue.
Difficile de terminer notre propos sans éprouver un sentiment de manque et d’inachevé par rapport à la richesse des paroles que nous avons pu entendre et échanger durant ces deux jours à Ouvéa. Le développement est-il une réussite sur cette île après plus de trente ans ? Au terme de cette réflexion, il n’est ni certain ni pertinent que la question doive se poser en ces termes qui dénotent une approche volontariste complètement contre-productive et surtout anachronique. Garantir aux populations locales l’accès à une mobilité (politique de transport), à des moyens de communication (NTIC) et à des énergies renouvelables, c’est peut-être là l’essentiel. Nous n’irons pas plus loin ici préférant simplement souligner qu’une telle infrastructure de base est ce qui permettrait aux humains de se mettre en mouvement pour relever les défis et faire face aux enjeux que nous n’avons fait qu’esquisser et mettre en perspective. Dans leurs maisons ils se reposent et dès que par nécessité ils doivent en sortir ils disposent, avec une infrastructure fiable, des moyens d’une mise en mouvement fluide ; le flux et le reflux des vagues sur le sable, l’agitation des vents sur la mer et le calme, le mouvement et le repos, … constituant le rythme de la vie elle-même. Au coeur de cette pulsation l’humain est créatif et déploie son plein potentiel afin d’inventer les objets et les mots dont il a besoin pour s’engendrer lui-même avec le monde où il baigne. Parmi les outils et approches les mieux à mêmes d’accompagner et de soutenir cette créativité figurent l’économie sociale et solidaire et la recherche contributive impliquant les populations.
Dans la tribu de Nyimëhë qui a accueilli ce séminaire, un vieux dignitaire conclut le séjour par les paroles d’une coutume d’au revoir. Au beau milieu d’un discours solennel, surgit une anecdote qu’il rapporte à peu près ainsi : « C’est un papa qui joue au foot avec son fils. Le papa touche le ballon et fait une aile de pigeon. Son fils s’exclame : Eh, aile de pigeon !! Le père répond : quoi ça pigeon !! ». Le vieux explique alors en substance que nous sommes peut-être rendu à une époque où il nous faut trouver des nouveaux mots pour révéler ce que l’on sait et fait déjà de façon naturelle sans en être conscient. Nous ne le remercierons jamais assez pour ces sages paroles qui confirment les ressources dont ces populations sont déjà porteuses. Ce en quoi le mot développement par exemple peut être interrogé car son histoire sous-entend le passage d’un stade inférieur à un stade supérieur ; un enfant se développe pour devenir adulte, un sauvage doit devenir civilisé etc. Le mot déploiement par contre ne dit pas la même chose. Il suggère la présence virtuelle de capacités et de ressources déjà là qu’il s’agit de mettre en mots pour les révéler et leur permettre de s’exprimer en actes et dans leur plein potentiel. De tels mots mettraient en évidence et en valeur ce que feu le grand chef Paul Sihazé avait déjà bien cerné : « C’est vrai que je n’ai pas de ressource minière dans mon île, par contre, j’ai de la ressource humaine ».
photo : David Blancher












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