En Nouvelle-Calédonie, tout le monde connaît aujourd’hui le résultat des dernières élections sénatoriales. Le duo Sonia Backès/Pierre Frogier qu’on annonçait triomphant sur le papier a été battu dans les urnes. Les grands électeurs ont choisi Georges Naturel et Robert Xowie pour représenter le Pays au Palais du Luxembourg. Et, par ailleurs, tout le monde a aussi pu entendre les commentaires aigris des perdants, les accusations de trahison et de déni de démocratie, la dénonciation de la cabale indépendantiste pour empêcher Pierre Frogier et Sonia Backès d’être élus… Il y a là comme un air déjà entendu. Pour certains, l’imprécation reste toujours préférable à l’analyse, la dénégation à la lucidité.
Si surprenant qu’il ait été pour beaucoup, le résultat des élections sénatoriales n’a pourtant rien d’incroyable. Il est simplement arithmétique et il convient d’en faire l’analyse.
1) 580 grands électeurs étaient appelés à se prononcer : 330 pour les non-indépendantistes ; 250 pour les indépendantistes. Pour l’essentiel, il faut le souligner, ce sont là des maires et des conseillers municipaux, élus par des corps électoraux non figés.
2) Au 1er tour Georges Naturel a obtenu 351 voix, soit la majorité absolue. Même si l’on admet que l’élu a bénéficié des voix d’un grand nombre d’électeurs indépendantistes, ce sont obligatoirement plus d’une centaine de voix non-indépendantistes qui ont aussi voté en sa faveur.
3) Lorsque l’on prend en compte les bulletins non exprimés, il est aussi très clair qu’un nombre important de grands électeurs non-indépendantistes se sont refusés à voter Pierre Frogier et Sonia Backès. Il importe d’en rechercher les raisons.
4) Le second tour confirme le vote sanction du 1er tour. Sonia Backès qui aurait logiquement dû être élue avec quelques 80 voix de plus que Robert Xowie est battue de quelques 60 voix. Robert Xowie l’emporte.
Le résultat de ces sénatoriales n’aura pas réellement surpris ceux qui étaient à l’écoute du terrain. Avant la consultation, plusieurs grands électeurs non-indépendantistes s’étaient exprimés, plus ou moins ouvertement, en annonçant vouloir faire barrage aux deux vainqueurs augurés. Ils leur reprochaient l’intransigeance de leur positionnement politique, leur conception singulière du dialogue avec les indépendantistes, le risque qu’ils prenaient de rallumer d’anciens affrontements, leur conception très coloniale de l’avenir du Pays, leur zèle à se faire les porte-voix des propositions du gouvernement français, une volonté d’hyper provincialisation fleurant la partition…
Et, de fait, difficile de ne pas partager leur malaise, et cela même si l’on a voté « non » aux trois consultations référendaires de sortie de l’Accord de Nouméa. Le discours actuellement dominant chez les « Loyalistes » semble vouloir nous ramener aux funestes périodes Lemoine et Pons. Même déni de réalité face à une ultime consultation sur la décolonisation où 90 % du peuple colonisé s’est abstenu, même ressassement des vieux discours coloniaux, même mépris pour les Kanak et ceux qui les représentent, même complexe de persécution, mêmes hantises complotistes, même compulsion de répétition… En fait même névrose.
Ne serait-il pas enfin temps de sortir de toutes ces ruminations obsessionnelles et d’entreprendre une véritable réflexion sur la décolonisation de ce pays. Une décolonisation avec la France pour partenaire et non pour puissance de tutelle.
Cercle du Croissant












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