Pourquoi la Nouvelle-Calédonie s’appelle-t-elle ainsi ? Dans le documentaire baptisé Caledonia, le réalisateur Geoffrey Lachassagne revient sur la légende selon laquelle Cook aurait baptisé le Pays d’après une ressemblance avec l’Ecosse. Un voyage à la rencontre de chasseurs et d’historiens, de cowboys et de guerriers celtes.
Geoffrey Lachassagne, le réalisateur, a grandi avec cette histoire d’une terre ressemblant à l’Ecosse, histoire qu’il n’avait jamais pensé à remettre en cause. Et puis le temps des questions est venu… Comment peut-on encore commencer une histoire de l’île en 1774, alors que des gens y vivaient depuis 3000 ans ? Pourquoi ne cite-t-on jamais de source à propos de cette histoire de ressemblance ? Qu’est-ce que Cook a dit à ce propos, dans son journal ? C’est pour répondre à toutes ces questions qu’il s’est lancé dans la réalisation de ce documentaire.
De ses recherches, il en ressort que Cook n’est allé qu’une seule fois en Écosse. C’était en 1757, sa première mission en tant que maître à bord, le long de la côte est, depuis Edimbourg jusqu’aux Shetland. Si la légende de la ressemblance est vraie, Geoffrey Lachassagne explique que son souvenir ne pouvait venir que de ce voyage. Il s’y est donc rendu et a découvert un paysage nordique, des plaines rases à perte de vue : rien à voir avec la Kanaky Nouvelle-Calédonie.
Ses entretiens avec des historiens et spécialistes de Cook l’ont aidé à reconstruire le paysage intellectuel de l’époque. Pour eux, c’est une autre Écosse que Cook avait en tête : la Calédonie mythique, celle des tribus celtes résistant à l’Empire romain. Cook n’en disait rien dans son journal, mais en cherchant davantage, le réalisateur a découvert que Georg Forster, un des naturalistes qui l’accompagnaient, justifiait le choix du nom par « la nature et les dispositions calédoniennes » du peuple et son pays. Il désignait ainsi le contraste entre une terre aride et une civilisation aussi complexe qu’accueillante.
Et ça changeait tout ! Le choix du nom, plutôt qu’une référence nostalgique à des paysages, était un hommage à ses habitants. Il avait été donné en quittant Balade, et non en « découvrant » les côtes… Il fallait donc relire le journal de Cook à la lumière de ces révélations, ce que le réalisateur a fait avec les gens de Balade. C’est grâce à eux que le journal a pris sens, parce qu’ils pouvaient renseigner sur tout ce que Cook manquait, ou ne comprenait pas. Sans leur participation, sans le soutien de la chefferie Pouma et du clan Boaxiwi, les recherches auraient été vaines, raconte le réalisateur.
Il apparaît que James Cook avait une véritable admiration et de la gratitude pour l’accueil que lui font les gens de Balade. Il y revient sans cesse dans ses carnets de voyage, « et même s’il ne comprend pas à quel point il est pris en charge par la chefferie, il s’étonne que tout soit si parfaitement organisé autour de lui ».
Ainsi, on découvre au fil du documentaire que l’agriculture de l’île l’impressionne : les tarodières, billons et canalisations déclenchent chez lui des envolées lyriques dont il est peu coutumier. On est donc loin des tribus frustes et constamment en guerre que les explorateurs et missionnaires ont décrites plus tard, et que l’histoire officielle a préféré retenir.
Appeler ces gens « Calédoniens », c’était leur rendre hommage, c’est un nom colonial, bien sûr, (…) mais curieusement c’est un compliment parce que Caledonia était le nom que les Romains avaient donné à un pays qu’ils n’avaient jamais pu soumettre, (…), ils n’ont jamais occupé ou colonisé l’Ecosse. Et les Ecossais du 18e siècle étaient très fiers du fait que leur pays n’ait jamais été envahi, contrairement à l’Angleterre, par les Romains – Nigel Leask, chercheur en littérature, dans le documentaire Caledonia.
source : https://www.caledonia.nc/
Le réalisateur
Geoffrey Lachassagne est né en 1978. Après des études en France et aux États-Unis, il tourne, sous différents pseudonymes, plusieurs essais documentaires et films expérimentaux. En 2015 sort son film La Capture consacré à Pierre Bergounioux et à sa passion pour l’entomologie.
Il mène également une activité littéraire avec l’écriture de deux pièces de théâtre et du roman Et je me suis caché. S’orientant aujourd’hui vers d’autres formes d’écriture, il poursuit son journal, travail d’écriture au quotidien.
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