Résumé
Alors que les savoirs locaux jouent un rôle central dans les revendications autochtones, ceux relatifs aux pratiques thérapeutiques kanak occupent une place relativement marginale. Cet article analyse la place des savoirs médicinaux dans l’accession à la souveraineté politique kanak – de savoirs privés maintenus et transmis dans le secret des clans, à la mise en valeur contemporaine du patrimoine ethnobotanique et à la reformulation des politiques publiques de santé. Ce processus s’accompagne de la reconfiguration des mécanismes de la transmission, et de l’arrivée de nouveaux acteurs associatifs et institutionnels, notamment des femmes kanak. À partir d’une enquête ethnographique à Lifou, l’article analyse les discours des acteurs indépendantistes sur les questions sanitaires et sociales, les enjeux politiques, économiques et éthiques qui les sous-tendent, ainsi que la mise en avant des valeurs océaniennes relatives à la relationalité, qui imprègnent les souverainetés océaniennes.
Plan

Extrait
Ce ne sont pas seulement des savoirs sur des plantes qui sont transmis, mais aussi les pouvoirs du clan, qui sont rattachés à ses ancêtres. On rejoindra donc l’analyse d’Édouard Hnawia, pour qui les plantes sont le plus souvent le support d’un pouvoir thérapeutique qui est en fait rattaché à une personne et à son clan, au-delà des propriétés pharmacologiques avérées (Hnawia, 2016). Plus qu’à la personne qui a transmis le médicament, c’est aux forces du monde invisible qu’est affiliée la puissance de chaque guérisseuse. C’est cette conjonction de pouvoirs que recherchent les malades, dont on attend qu’ils s’engagent dans une quête thérapeutique jusqu’à la résolution du mal. La recherche d’une résolution de la maladie entraîne une intense circulation dans laquelle, allant de guérisseuse en guérisseuse, le malade et sa famille réinscrivent le soin dans les circuits des alliances et font vivre les relations entre les clans, autour du soin à porter à une personne (Soler, 2019). Dans cette quête de soins et de sens, les malades et leurs proches reparcourent les chemins de la coutume kanak et y présentent à chaque fois le geste coutumier requis. Le pouvoir thérapeutique kanak repose donc aussi sur l’actualisation des réseaux coutumiers dans un espace relationnel du soin, espace dans lequel les femmes occupent une place centrale. Si cette dimension apparaît de façon secondaire dans la revendication identitaire contemporaine, c’est qu’elle s’est construite autour des institutions issues du processus de décolonisation négociée.
source : Nathanaëlle Soler, « Chemins kanak de la souveraineté sur la santé : les revendications sur la médecine traditionnelle dans la construction de Kanaky Nouvelle-Calédonie », Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 158-159 | 2024, mis en ligne le 30 août 2024, consulté le 31 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/jso/15917 ; DOI : https://doi.org/10.4000/129ci












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