La Société Calédonienne d’Ornithologie contribue activement à la réalisation de l’Atlas de la Biodiversité communale de Poum. Depuis le début de l’année 2023, les membres bénévoles de l’association conduisent des prospections ornithologiques en lien étroit avec les habitants de la commune.
Les expéditions menées au mois de mai 2023 en baie de Banaré (Poum) ont été particulièrement fructueuses avec l’observation formelle du Dek-men ou Merle des îles calédonien sur les îles de Faayo et Yava.
En effet, les îles de Yandé et Néba étaient jusqu’à présent considérées comme étant les seuls et derniers refuges des quelques 50 à 80 couples reproducteurs formant l’effectif relictuel total du merle calédonien, oiseau endémique au bord de l’extinction.
Les populations de Dek-men de Faayo et Yava sont à ce jour les plus proches connues de la Grande-Terre.
Si les témoignages des coutumiers locaux recueillis dans le cadre de l’ABC font état de la présence du Dek-men sur ces îles et dans la région de Tiabet à Juu jusque dans les années 60, sa raréfaction a progressivement effacé le souvenir de cet oiseau qui ne persiste plus que dans la mémoire des anciens. Depuis, le Dek-men, un merle particulièrement furtif, est passé inaperçu malgré une suspicion d’observation en 2020 par un occupant de Faayo.
L’observation de ces deux populations sur deux localités inédites, constitue une formidable nouvelle pour la conservation de cet oiseau endémique considéré comme le plus rare et menacé du pays, même si des travaux complémentaires pour quantifier et mieux connaître ces populations restent maintenant à entreprendre.
Cette redécouverte en préfigure aussi peut-être d’autres. Les travaux de prospection entrepris par la SCO avec l’appui des coutumiers et de la population des deux districts de Poum vont se poursuivre durant les prochains mois et permettront peut-être de détecter la présence de notre Merle endémique sur d’autres îles de Poum, voire dans certaines forêts du littoral.
Le Dek-men ou Merle des îles calédonien (Turdus poliocephalus xanthopus)
Le Merle des îles calédonien (Turdus poliocephalus xanthopus) est un passereau endémique de la Grande-Terre et ses îlots. Abondant jusqu’au début du XXème siècle, ses populations se sont mystérieusement effondrées en quelques décennies au point de disparaître, ou presque.
En 1978, le père René de Naurois, prêtre naturaliste, signale la présence de populations reliques du Merle des îles calédonien sur les îles de Yandé et Néba à Poum. Presque un miracle quand on sait que les deux autres sous-espèces calédoniennes, respectivement endémiques de Maré et Lifou, n’ont plus été observées depuis des décennies et sont aujourd’hui supposées éteintes.
Le père de Naurois rapporte également que le nom du Merle des îles calédonien en pays Nenema (région de Poum) est « Dek-men ».
Avant l’identification des populations de Faayo et Yava, la population totale de Merles des îles calédoniens était évaluée par les spécialistes entre 50 et 80 couples reproducteurs présents uniquement sur Yandé et Néba, ce qui en fait l’oiseau terrestre endémique le plus rare et le plus menacé de disparition à court terme.
Des prospections réalisées en 2005, 2013 et 2014 pour rechercher le Dek-men ailleurs dans la région (forêts côtières de la Grande-Terre, Baaba, Balabio, Pionne et même Faayo) ont toutes été infructueuses.
Un espoir pour les autres oiseaux calédoniens rares ou perdus de vue
Le Méliphage noir, le Grand Râle de Lafresnaye, le Lori à diadème, l’Egothèle calédonien, le Merle de Maré, le Merle de Lifou mais aussi le Turnix bariolé (ou caille du colon) et l’Engoulevent de Nouvelle- Calédonie sont autant d’espèces endémiques presque totalement inconnues du grand public.
Cette méconnaissance populaire mais également la rareté manifeste de ces espèces et leur mœurs souvent discrète ne favorise pas leur potentielle détection. A l’exception du Méliphage noir (en danger critique d’extinction), aucune observation des autres espèces citées n’a été rapportée depuis plusieurs décennies, voire plus d’un siècle pour certaines. Ces oiseaux endémiques sont aujourd’hui communément considérés comme disparus, même si ce statut n’est pas officialisé par la science.
Pourtant, à travers le monde, l’actualité ornithologique fait régulièrement écho de redécouvertes ici ou là d’espèces considérées éteintes.
En Nouvelle-Calédonie, l’identification de populations de Dek-men passées inaperçues jusqu’à ce jour sur des îlots régulièrement fréquentés par les populations locales, voire prospectés par les scientifiques comme Faayo, démontre qu’il est possible de coexister, sans en avoir conscience, avec des espèces qui savent se rendre invisibles. Cela ravive les espoirs de retrouver, dans l’isolement d’une vallée lointaine ou plus près de chez nous, ces oiseaux emblématiques, qui n’ont peut-être pas encore disparus. Il est de la responsabilité de chaque citoyen d’être vigilant à la Nature qui l’entoure : celle-ci recèle probablement encore des trésors de biodiversité à retrouver et surtout à protéger.
Crédit photo : SCO
pour en savoir plus : https://www.sco.nc/












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