En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, la novlangue loyaliste prône des valeurs d’une droite pure et dure qu’on appelle aujourd’hui civilisationnelle. Celle qui tait le vilain nom d’extrême droite. Une droite loyaliste qui cherche à se légitimer, en relayant un discours pro-français. Du fait que cette droite souhaite notamment combler un trouble identitaire propre à ceux issus de colonies de peuplement.
Une novlangue étant véhiculée lors de débats, aux allures de théâtralisation d’affects négatifs. Servant à mieux hiérarchiser, avec référence, les contours de son nombril. Le tout encadré par des bons flics qui surjouent un semblant d’altérité. Et, des mauvais flics (souvent, c’est la même personne, selon les humeurs, liées en partie au niveau de contradiction) jaugeant le rapport à la culture dominante de celui qui ose apporter de la contradiction. De celui qui ose remettre en cause ce système capitaliste, ô combien merveilleux. Ce régime économique hérité du colonialisme qui conforte un ordre social préétabli. Qu’on nous vend pourtant comme » méritocratique » tandis qu’il conforte les privilèges, liés au patrimoine. Et, quand ce patrimoine s’est acquis sur une injustice, il vaut mieux jouer la carte de l’amnésie. La colonisation ayant permis à ceux qui sont du bon côté de l’histoire de jouer les juges assesseurs. En collant des étiquettes, comme plus ou moins bons points, pour ainsi mieux créer des alliances et surtout disqualifier toutes contradictions, sous-couvert de démocratie. Avec comme cerise sur le gâteau un niveau de novlangue qui par moments décoiffe. Via notamment un brassage d’air en bonne et due forme, sous fond de brouhaha existentiel étant vanté comme forte personnalité. Alors que ce type de comportement s’inscrit davantage dans un rapport de classe, voire de race, cherchant à légitimer les inégalités et le rapport de domination qui en découle.
Une novlangue qui retentit sur tous les canaux mainstream. Un discours dominant jalonnant des meetings loyalistes à la télévision jusque dans une littérature locale pro-française. Une littérature qui n’a pas vocation à élever les esprits plutôt à cajoler les affects négatifs envers des sauvages à qui on refuse un droit au chapitre. Par peur que la vision d’une Marianne immaculée soit mise à mal. Il fait bon écrire des fables paternalistes pro-française en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Jusqu’à se noyer dans le lac de son égo, pour le peu qu’on ait le sens de la formule, où des auteurs reflètent leurs grandeurs d’âmes à coups de bons mots pour rendre lisible leurs affabulations identitaires populistes teintées de rejet de l’autre. Et leurs ouvrages trouvent preneur. Nombreux sont ceux qui cherchent à rendre intelligible l’invisibilisation des minorités comme sorte de solution humaniste. Autrement dit, il convient de véhiculer une image paternaliste envers les racisés pour ensuite mieux les invisibiliser, « pour leur propre bien ». En disqualifiant plus ou moins directement une certaine intelligentsia indigène. Partant du principe que cette intelligentsia ne serait pas encore prête à gouverner. Elle n’aurait pas vraisemblablement le bon patrimoine génétique, pour… Une littérature de novlangue loyaliste qui compte délégitimer toute approche égalitariste. Particulièrement celle émanant de la communauté autochtone. Dans ce contexte, les livres loyalistes pullulent quand bien même certains auteurs n’ont jamais écrit une seule ligne de leurs bouquins. Rien qu’à les entendre parler, on se doute que la littérature, ça n’est pas leur fort. Quoi qu’il en soit, ils vendent leur côté témoin historique pour ne pas dire acteur du racisme systémique via un discours dominant qui, telle une cérémonie de la flamme olympique, s’autocongratule sur les « bienfaits » de la colonisation. En se vantant d’avoir contribué à apporter la lumière sur cette île préhistorique du Pacifique Sud. Tandis que cette fameuse flamme civilisationnelle sombre dans l’oubli les laisser pour compte, sous couvert d’universalisme.
Un universalisme comme fanfaronnade idéologique, comme sursaut d’orgueil qui en dit long sur le manque de considération envers les indigènes et les injonctions sociales qui en découlent. De ce point de vue, la culture kanak et/ou océanienne, on l’aime surtout pour ses danses, son folklore. Après tout le bougna (le plat phare traditionnel kanak), ça ne vaut pas un bœuf bourguignon, mais c’est pas dégueu. Et, imiter un haka façon All-Black ça réveille les tripes. Mais, quand cette culture océanienne prend des airs de solennelles revendications, il y a danger. Les couches sociales privilégiées, bien souvent non-racisées, se sentent menacées. Il faut dire que dans nos sociétés contemporaines, où les inégalités sont outrageuses, il ne fait pas bon rester sur le pas de la porte. Davantage quand on a la bonne couleur de peau. Le fait d’être bien né, et/ou d’avoir la bonne couleur de peau, donne quasiment lieu à un titre de noblesse pour caricaturer, un brin.
Il faut dire aussi qu’un blanc qui échoue ou pas, sil côtoie des racisés, et pour le peu qu’il traîne en tribu, chez des kanaks indépendantistes, est vu comme un traitre par une partie des siens. Voire est un temps relégué au même stade que les indigènes, un « kanak blanc », autrement dit un moins que rien. Du moins, cela fut perceptible dans les années 1980 à 2000. Dorénavant, les choses semblent évoluées dans le bon sens. Car, la société néo-calédonienne se mélange un peu plus. Cependant, les injonctions sociales demeurent. On aurait pu croire qu’avec le nombre croissant de diplômés océaniens, ces injonctions se seraient un tant soit peu essoufflées. Or, on pourrait ressentir une tendance inverse. À savoir, une crispation identitaire pro-française autour d’une peur de l’indépendance, qui induit la peur de se faire rejeter par ceux qu’on rejette. Les sauvages étant voués, par définition, dans un imaginaire raciste, à évoluer en marge de la société. En se contentant de quelques cacahuètes lancées ici et là. Mais, quand on s’aperçoit que ces sauvages ne le sont pas tant que ça, du moins certains indigènes qui ont réussi à vaincre leurs pensées sauvages, d’après ce même imaginaire raciste, cela froisse forcément des égos qui prétendent avoir le monopole de la raison. Ce type de croyances étant propre à la « bonne » société bourgeoise conservatrice néo-calédonienne qui, elle, est loin, de caricaturer, un brin. «
La novlangue loyaliste, en Kanaky-Nouvelle-Calédonie












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