De quoi l’Humanité tait le nom

En invoquant l’universalisme, les politiques ruminent leur ethnocentrisme via des valeurs universalistes qui, sous couvert de prétention d’ériger l’égalité, viennent justifier à demi-mot une certaine hiérarchisation des races du fait que la victoire de la raison sur l’obscurantisme aurait émergé en Occident. Et apparemment, en aucun cas, dans différentes civilisations qui ont précédé l’Occident dont ce dernier semble avoir acquis les savoirs. Si on considère des « universités » au temps de l’Égypte antique, où nombres de philosophes, mathématiciens grecs notamment ont suivi des enseignements.

De nos jours, les valeurs universalistes n’ont jamais été pleinement appliquées nulle part. Ces valeurs servant à justifier une gestion intrusive des pays du Nord envers ceux du Sud, avec les dérives que nous connaissons ces 50 dernières années. Sous prétexte de manques d’infrastructures, les accords commerciaux et autres aides au développement abondent pour soi-disant aider le Sud à « décoller ». Une aide qui est aussi supposée dessiner les traits d’une humanité qui se prétend unifier. 

Seulement, quand une partie de cette humanité fait le voyage en « pirogue » pour se rendre illégalement au Nord, elle se heurte aux limites de la conception d’une humanité qui ne se réclame pas de tous les continents. Et, vu le traitement des réfugiés ukrainiens qui paraît privilégié par rapport à d’autres, encore moins de toutes les couleurs… À croire que l’universalisme bonifie un particularisme comme plafond de verre. Étant donné que l’humanité, une et indivisible n’a jamais existé, en tant que telle, l’humanité serait alors une secte qui permet à ceux prétendant agir en son non de faire valoir leurs intérêts. 

Quand certains supposent que le déterminisme technologique, comme l’intelligence artificielle, représente un danger pour l’humanité, cela relève de l’hypocrisie. Cette dernière renvoie à un eurocentrisme qui craint un retour de bâton. Car, cet eurocentrisme a imposé le déterminisme technologique, via le machinisme, au reste de la planète au seul profit des pays du Nord. Le machinisme ayant servi à exploiter la planète pour le compte de l’avènement du capitalisme, tel que nous le connaissons aujourd’hui. 

Cette hypocrisie traduit une culture du risque prôné par le régime économique concerné. Et encore, culture du risque est un euphémisme qui tait une déresponsabilisation comme culte du progrès relative à la loi de Pareto qui induit, pour faire court, qu’on ne peut pas améliorer la situation d’un agent économique sans dégrader celle d’un ou des autres. Si ces autres sont souvent les « mêmes », cela est vu comme un coup de sort. En aucun cas comme un rapport de pouvoir venant biaiser, dans la durée, les chances pour ceux d’en bas de s’élever socialement sensiblement pour ceux, au Sud, qui hier furent colonisés. Les mêmes qui aujourd’hui sont soumis aux multinationales du Nord comme forme de néo-colonialisme. Car notre civilisation se nourrit d’inégalités qu’elle prétend lutter.  Car, quand les machines viennent remplacer le travail d’exécution, le travail de ceux d’en bas, on n’en fait pas une question existentielle. Par contre, quand les machines menacent le travail de conception, celui de cadres supérieurs, là, ça devient problématique.

De manière générale, l’hiatus réside dans le fait que l’essor de la technologie a pour effet de nous divertir des vrais problèmes. 
À cet effet, la technologie réduit notre pensée critique, dans la mesure où on concède à la technologie notre liberté de conscience pour se concentrer sur des loisirs liés à ces mêmes technologies. On s’invente un monde virtuel avec ces propres codes. Un monde dont on a la main mise. Un monde à notre image dont on est avec nos semblables les seuls acteurs. Un monde virtuel qui par définition s’échappe d’un réel, de plus en plus, à l’agonie. Une dystopie pleine et entière qui soulage d’aveuglement. Car le monde en soi nous dégoûte. On s’enferme pour mieux masquer nos peurs si bien que dans ce contexte on accorde plus de budget à l’I.A qu’au réchauffement climatique alors que le réchauffement climatique représente une occasion d’unir l’humanité comme communauté de destin. Alors même que le réchauffement climatique démontre les limites d’une humanité qui jusque-là renvoie à des effets d’annonces et autres bienséances politiciennes où des chefs d’états écocidaires s’emboîtent le pas à la tribune de sommets de greenwashing pour jouer les belles-âmes. Leurs discours sont teintés de fables paternalistes. Une sorte de partie de pokeur-menteur qui réunit les plus gros pompiers pyromanes de la planète. Qui pour certains annoncent, trois jours plus tard, sans broncher, face caméra qu’ils signent des milliards de budgets supplémentaires pour l’armée…

Suite à quoi, on peut penser l’humanité comme une extension du peuple. Un peuple globalisé, à qui on promet maintes merveilles. Dans ce contexte, la technologie vient combler une frustration démocratique pour le peuple de ne pas être maître de son destin. Via par exemple, l’apparition de pétitions en ligne si ce n’est des cagnottes tous azimuts. Heureusement, des acteurs de la société civile trouvent des solutions quand le pouvoir entretient les problèmes. Cependant, le peuple, tout comme l’humanité, n’existe pas en tant que tel. Il est donc difficile pour ces acteurs de la société civile de mobiliser les masses. Surtout quand les masses sont manipulées par les outils de propagande du pouvoir que sont les médias mainstreams. Ce pouvoir, comme d’autres, a pour particularité de régner par la dissension en agitant les foules pour les monter les unes contre les autres, en tentant ainsi de leur faire oublier la réalité du conflit social axé autour du partage des richesses. Voire d’ériger un vœu pieux de plus de justice sociale, fiscale et écologique. 

L’humanité, le peuple, la démocratie, la liberté composantes d’une sémantique qui se veut émancipatrice étant les grandes lignes d’un contrat social aliénant. Qui affabule de novlangue pour nous vendre un inversement des valeurs comme discours dominant. Ce même discours tend à segmenter plus qu’unir, à asservir plus qu’à émanciper pour le compte d’une société où la peur rythme la marche au pas. Où la décadence, le dépérissement de nos droits sont vus comme progrès. Sans remettre en question l’aspect pyramidal de nos sociétés contemporaines étant bâties sur d’outrageants privilèges ceux qui ont une fâcheuse tendance à prendre le dessus sur l’ensemble du vivant.

En cela, l’homme paraît rattrapé par ce qu’il a actionné par bien des manières. Dès lors, le réchauffement climatique doit nous alerter plus que le potentiel danger que représenterait l’intelligence artificielle. Le réchauffement climatique étant lui bien réel. Toutefois, quand on sait les dérives de l’I.A « Tay » qui en 24h chrono a viré nazi sur Twitter, on a du souci à se faire sur l’état de nos démocraties. Dans la mesure où, l’intelligence artificielle est une sorte de mémoire collective et interactive d’un monde que non seulement on délaisse mais, au vu du réchauffement climatique, un monde qu’on ne mérite pas. 

première publication en juillet 2023 : https://blogs.mediapart.fr/jean-michel-guiart

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