Un retour à l’équilibre des forces politiques locales

Le président de la République est venu faire clairement campagne en Nouvelle-Calédonie avec un public et des journalistes choisis, un discours ressemblant mot pour mot à ceux de la cheffe de file des loyalistes, prouvant qu’il ne maîtrise absolument pas le dossier calédonien et n’y connait rien du tout à la société et la culture kanak. Répéter à tout bout de champ les mots humilité et respect est ridicule, ne fait pas de soi un spécialiste et il l’a largement démontré lors du discours sur la place Koo Wè Joka.

Donc pour les Calédoniens rien de nouveau sous le soleil. Seule cette petite minorité d’hexagonaux, qui frôle en se mettant sur la pointe des pieds les 10% de la population résidante, et qui pour rien au monde ne retournerait vivre dans cette France qu’ils affirment tant aimer (Quand on aime, on ne quitte pas), a entendu ce qu’elle souhaitait entendre.

Rien de nouveau si ce n’est un retour en arrière qui pourrait rebattre les cartes. En effet, quelles vont être les conséquences des décisions et annonces du gouvernement pour la population calédonienne ?

Rappelons-nous :

  • en 1963, la Loi Billotte : l’essentiel des pouvoirs accordés aux institutions calédoniennes leur est retiré, notamment en raison du boom du nickel. Aujourd’hui, l’annulation de l’Accord de Nouméa annonce un retour en arrière également de plus de 30 ans. Les institutions calédoniennes sont parties pour perdre leurs compétences non pas cette fois-ci en raison du boom du nickel mais en raison de la guerre géopolitique qui se joue au sein de l’axe indo-pacifique. D’une part, si Macron choisit de le faire, il se tire une balle dans le pied tant ses rapports sont tendus avec notamment l’Australie et il compromettra très sérieusement son rôle dans l’élaboration de l’axe indo-pacifique (Je me permets d’écrire Macron et non pas le gouvernement français ou la France puisque dans ses discours il ne parle qu’en son nom). D’autre part, sa méconnaissance de la société calédonienne dans son ensemble est telle, qu’il ne sait même pas qu’à plusieurs reprises les Calédoniens toutes ethnies confondues ont été capables de faire front et de se serrer les coudes. Ils l’ont déjà fait à plusieurs reprises. Ils le referont.

  • en 1972, le Premier ministre Pierre Messmer relance une deuxième vague conséquente de peuplement, il préconise une « immigration massive de citoyens français métropolitains ». En dégelant le corps électoral, qui rappelons-le aussi avait été largement ouvert à Nainville-les-Roches (à l’origine seuls les Kanak pouvaient s’exprimer aux référendums mais bon ça faut être du Pays pour le savoir), le gouvernement répond à une demande des seuls loyalistes afin dixit que les personnes reviennent s’installer en Nouvelle-Calédonie ou n’aient plus peur de s’y installer…. Une nouvelle colonisation à venir qui ne va pas être du goût des locaux, il est clair que les expatriés des 20 dernières années (A ce sujet, sachant qu’ils ne pourraient pas voter, on est en droit de se demander pourquoi alors sont-ils venus s’installer en Nouvelle-Calédonie malgré tout ?) et le gouvernement français ne connaissent pas la mentalité calédonienne : un peu ça va, beaucoup ça va plus du tout. Surtout si les nouveaux arrivent avec des idées préconçues aussi couillonnes que on va les aider à se civiliser, à entrer dans l’ère moderne. L’Océanien aime prendre son temps, et le Calédonien est un Océanien. Chez nous, c’est casse pas la tête et doucement le matin, pas trop vite le soir. Bref ici c’est pas Paris.

Deux périodes que les Calédoniens, et pas seulement les Kanak, n’ont pas envie de revivre tant elles ne sont toujours pas digérées.

A partir de la minute 19 jusqu’à 19’59, le président explique clairement qu’il pourrait revenir sur les compétences attribuées aux institutions calédoniennes. Les journalistes se voient refuser le droit de demander des précisions.

Alors que penser de ces effets de manche, ces grands discours creux et copié/collé des discours loyalistes ?

Avec le bon sens qui caractérise les « petites gens », je dirais : en 2027 nous nous serons toujours là, dans 10 ans aussi et dans 30 également. Des présidents, des tartuffes, des vizirs qui se prennent pour des califes, des qui pensent qu’à se remplir les poches et à vider celles des territoires d’Outre-Mer, on en a vu passer. Justement ils ne font que passer … Parce que nous contrairement aux autres, nous n’avons pas d’autre endroit où vivre.

Si aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie a le visage qu’elle a c’est bien grâce aux Calédoniens qui se sont réunis un 8 juillet 1983 à Nainville-les-Roches et ont largement prouvé aux Hexagonaux qu’ils étaient capables de réfléchir.

Je respecte l’intelligence de nos politiques locaux et vois très clairement se profiler un renouveau politique qui va nous permettre de sortir des étiquettes non-indépendantistes et indépendantistes dans lesquelles les Hexagonaux nous ont enfermé, de retrouver de plus en plus de Kanak dans les parties de droite et à l’instar des Vieux Ukeiwe, Naisseline, Kauma, Parawi-Reybas, Wema, Loueckhote, Vendégou, Poadja, Ponga, Sam, … reprendre la parole, leur place car c’est là qu’est l’avenir du Pays : le retour à l’équilibre des forces politiques locales.

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